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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/536

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— Seule, l’abdication de Votre Majesté en faveur de son fils peut encore sauver la patrie russe et maintenir la dynastie.

Du ton le plus calme, comme s’il s’agissait d’une affaire tout ordinaire, l’Empereur lui a répondu :

— J’ai pris dès hier la résolution d’abdiquer. Mais je ne peux me séparer de mon fils ; ce serait au-dessus de mes forces ; sa santé est trop délicate ; vous devez me comprendre... J’abdique donc en faveur de mon frère Michel-Alexandrowitch.

Goutchkow s’est aussitôt incliné devant l’argument de tendresse paternelle qu’invoquait le Tsar ; Schoulguine a, de même, acquiescé.

L’Empereur a passé alors dans son cabinet de travail avec le ministre de la Cour ; il en est ressorti dix minutes plus tard, ayant signé l’acte d’abdication, que le comte Fréederickz a remis à Goutchkow.

Voici le texte de cet acte mémorable :

Par la grâce de Dieu, nous, Nicolas II, Empereur de toutes les Russies, Tsar de Pologne, grand-duc de Finlande, etc.. etc..., à tous nos fidèles sujets faisons savoir :

En ces jours de grande lutte contre l’ennemi extérieur qui, depuis trois ans, s’efforce d’asservir notre patrie. Dieu a trouvé bon d’envoyer à la Russie une nouvelle et terrible épreuve. Des troubles intérieurs menacent d’avoir une répercussion fatale sur la marche ultérieure de cette guerre opiniâtre. Les destinées de la Russie, l’honneur de notre héroïque armée, le bonheur du peuple, tout l’avenir de notre chère patrie veulent que la guerre soit menée, à tout prix, jusqu’à une fin victorieuse.

Notre cruel ennemi fait ses derniers efforts et le jour approche où notre vaillante armée, de concert avec nos glorieux Alliés, l’abattra définitivement.

En ces jours décisifs pour l’existence de la Russie, notre conscience nous commande de faciliter à notre peuple une étroite union et l’organisation de toutes ses forces pour la réalisation rapide de la victoire.

C’est pourquoi, d’accord avec la Douma d’Empire, nous estimons bien faire en abdiquant la couronne de l’État russe et en déposant le pouvoir suprême.

Ne voulant pas nous séparer de notre fils bien-aimé, nous léguons notre héritage à notre frère, le grand-duc Michel-Alexandrowitch, en lui donnant notre bénédiction à l’instant de