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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/562

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interprète avec plus de vigueur que son maître dauphinois. M. Loÿs-Prat a découvert le Rhône, torrent lumineux et tragique jusqu’ici fort peu connu des peintres, M. Lucien Mainssieux nous a conduits en Tunisie, M. André Vautier dans le Morvan, M. de Marliave parmi les ruines d’Augkor et les splendeurs de la cour de Hué. M. Octave Morillot a rapporté d’un long séjour à Taha-ha près de Tahiti, tout un cycle d’impressions océaniennes d’une acre saveur. M. Georges Bruyer, jadis dessinateur d’admirables poilus, s’est révélé peintre, graveur et céramiste. M. Paul Thomas, sans quitter des Intérieurs bien clos, a découvert autant de nuances subtiles dans les thèmes de l’intimité que les globe-trotters lancés à la poursuite d’humanités mal connues et d’étoiles nouvelles. M. Cornélius a tenté d’inaugurer un symbolisme vigoureux appliqué aux choses du jour. Cent autres ont ainsi peuplé de visions l’imagination du rêveur avant que s’ouvrent les Salons. Ce serait miracle qu’il s’y trouvât du nouveau. A part les auteurs de « grandes machines, » et les statuaires, bâtisseurs de monuments équestres, ou de tombeaux, qui ne sauraient où loger leurs montagnes, si le Grand-Palais venait à leur manquer, — on le voit : nos artistes ne trouvent plus les Salons ni nécessaires, ni suffisants pour se manifester.

Reste les étrangers. Ils se manifestent peu d’ordinaire par de petites expositions spéciales, bien qu’on en ait vu récemment une d’art irlandais aux galeries Barbazanges où Sir John Lavery et M. William Connor montrèrent, l’un de beaux portraits, l’autre un émouvant effet de foule et de lumière : les funérailles du lord-maire de Cork, — et qu’à la galerie Simonson, la Société internationale de la peinture à l’eau ait montré d’excellentes aquarelles ou des sépias de Mme Florence Esté et de M. Walter Gay. D’autre part, à la galerie Georges Petit, M. Bernard Harrison a donné la primeur de ses délicates impressions du lac d’Orta et d’Urbino. La plupart, pourtant, attendent les Salons pour montrer ce que devient le plant américain ou britannique en cru français. Au Salon de la Société nationale, avenue d’Antin, ou plutôt avenue Victor-Emmanuel III, et bien que les pays ennemis pendant la guerre n’aient rien envoyé, on constate une immigration formidable : un tiers des exposants de peinture est étranger. Il en vient de Gareloch, il en vient de Matsuye, il en vient de Nijni-Nowgorod, il en vient de Trébizonde.