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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/570

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de portraits contemporains qu’il laissera, deux figures qui viennent à nous de même. Sa couleur aussi est d’un coloriste véritable. Au rebours de la plupart des portraitistes de notre temps, qui font de la couleur avec des valeurs, il fait ses valeurs avec des couleurs mêmes, comme les Anglais du XVIIIe siècle, dont on le rapproche souvent. Et la preuve que chez lui le coloriste n’a pas besoin du psychologue pour nous intéresser, nous est donnée par les fleurs et les objets inanimés qu’il expose cette année.

Il y a, dans ce Salon, quelques autres portraits bien écrits : il y a celui d’une dame âgée, en noir, debout, appuyée sur une canne, dans sa chambre, par M. Boutet de Monvel. Il y a celui d’un monsieur assis, coiffé de ce haut-de-forme en passe de devenir fabuleux, et qui paraît déjà aux petits enfants quelque chose, selon le mot de Mallarmé, « de sombre et surnaturel, » par M. Hugues de Beaumont. Il y a celui de M. Aman Jean, posé par Mlle Grégoire, dans une espèce de repliement et de résignation qu’on devine bien observé. Il y a celui d’une jeune femme peintre ou, tout au moins, embarrassée d’une palette, une de ces palettes immenses à la mode aujourd’hui, qui ressemblent à des plateaux à thé, par M. Raymond Woog. Les bleus violacés, les noirs, les roses en sont riches, la facture habile, le tour vif, aisé, gracieux. Il y a un portrait de femme, intitulé le Canapé rouge, par M. John Crealock, et le portrait d’une danseuse, intitulé Carnaval se passe, par miss Dawson. Il y a encore, dans la salle des dessins, un portrait de Mgr Baudrillart, par M. Félix de Goyon, très consciencieusement observé et curieusement fouillé, de bons portraits d’enfants par M. Henri de Noihac et ceux de quatre peintres contemporains, MM. Lucien Simon, René Ménard, Albert Besnard et Aman Jean, par M. Perelma, très heureusement caractérisés.

Les autres sont ou mauvais ou inférieurs à ce qu’on peut attendre de leurs auteurs. Le pinceau de M. Boldini, par exemple, est encore capable des prouesses étincelantes qui firent tant pâmer d’aise sa clientèle mondaine au temps déjà lointain des fêtes de M. Robert de Montesquiou, mais aujourd’hui, dans le Portrait de Mme E. et de ses enfants, il semble s’être parodié lui-même. Quant aux portraits de M. Van Dongen, M. X... et M. Pierre Lafitte, ils n’ont d’autre intérêt que les théories qu’ils suggèrent et ces théories n’en ont pas. Il importe fort peu que