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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/572

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méditerranéennes, là où elles sont encore désertes et inviolées, et qu’on se retrouve devant les horizons de sérénité lumineuse qu’il aime à représenter, on s’étonne de ne pas voir surgir de figures antiques et l’on se demande ce qu’elles font dans les musées. M. René Ménard ne nous surprend pas en nous les montrant. L’impression de solitude en est à peine atténuée.

C’est une grande témérité que de tenter encore de faire de l’Art religieux, pour bien des raisons dont quelques-unes tiennent à l’Art lui-même, d’autres à la Religion, et les dernières au sentiment populaire, sans lequel on ne saurait concevoir l’utilité d’une telle entreprise. Plusieurs l’ont tentée cependant, au Salon de la Nationale : M. Montenard avec sa grande page décorative, le Christ et la Samaritaine, qui n’est peut-être dans sa pensée qu’un paysage des environs de Toulon animé par la présence de deux figures prises sur le vif, M. David Burnand avec son Adoration des Mages, bonne composition un peu froide, où manque le caractère qui souligna plus d’une fois les œuvres d’Eugène Burnand, Mme Peugniez, avec son Offrande des bergers et son Annonciation, M. Georges Desvallières avec son Saint Michel, M. Daras avec sa Jeanne d’Arc, Saint Michel et Sainte Catherine, M. Maurice Denis, avec sa Résurrection de la fille de Jaïre et Mlle Valentine Reyre avec son Ascension et son Angélus du matin. C’est beaucoup pour un Salon qui ne contient aucun tableau d’histoire à noter, ni même de bataille de la dernière guerre. De ces essais, il n’y en a que trois à retenir, ceux de MM. Desvallières et Maurice Denis et de Mlle Reyre.

Celle-ci a très heureusement placé son Ascension dans une de ces régions méditerranéennes, au sommet d’un de ces coteaux, où se découvre le plus beau pays du monde, — qui se trouve en même temps avoir été celui du Christ. Les campagnes heureuses et fertiles, mamelonnées, les têtes rondes des oliviers, les villages baignés de lumière, font déjà de ces pays les propylées du ciel, et l’on sent que le Sauveur a peu de chemin à faire pour y monter. Mlle Reyre a ainsi dérivé vers son œuvre ce que Renan appelle « la fraîcheur de l’idylle galiléenne, éclairée par le soleil du Royaume de Dieu. » Ses figures aussi expriment bien l’extase, la ferveur, la surprise et l’indécision entre la peine et la joie. Celle du Christ, comme tirée dans les cieux par une main invisible, la tête penchée encore vers ceux qu’il est venu sauver, inerte et sans la volonté, semble-t-il,