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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/575

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œuvres demandées pour nos églises reconstruites, ou pour répondre à des dévotions nouvelles : des Sacré-Cœur, des Jeanne d’Arc, des Saint Antoine de Padoue, mais aux générations qui peinent, qui souffrent, qui prient aujourd’hui et cherchent, en levant les yeux vers les murs du sanctuaire, une image consolatrice que les maîtres d’autrefois savaient fort bien leur donner. Si, à la place de telles figures, d’une beauté régulière et d’une expression sereine, qui la mettent en un état d’admiration favorable à la prière, il aperçoit des guignols frénétiques ou nigauds qui excitent son rire ou son dégoût, croit-on que le but de l’art religieux soit rempli ? et qu’il suffise, pour qu’il le soit, de satisfaire les curiosités de quelques riches dilettantes, ou de ces touristes qui n’entrent à l’église que pour s’y promener ! Elle serait bien près de sa fin, la religion qui ne serait plus qu’une aristocratie de penseurs ou un prétexte à subtilités esthétiques !

Et ce qu’il y a de pire dans cette erreur, non plus considérée du point de vue religieux, mais du point de vue esthétique, c’est qu’elle assure et éternise le règne de l’imagerie pieuse, de l’art dit de « Saint-Sulpice, » qu’on voudrait détrôner. Forcés de choisir entre ceci et cela, les fidèles choisiront toujours l’art de Saint-Sulpice ; tandis qu’ils ne choisiraient peut-être pas, d’eux-mêmes, sans guide, mais ils accepteraient tout de suite des Vierges de Raphaël, du Corrège ou de Murillo, voire de Fra Angelico, de vingt autres maîtres, dont la foule comprend et éprouve d’elle-même et a toujours éprouvé, sans éducation préalable, la beauté. Si elle ne s’enthousiasme point pour les productions de nos néo-chrétiens, il n’en faut peut-être pas tirer un argument uniquement contre elle : il se pourrait que c’en fût un contre eux. Voilà ce qu’à défaut d’esprit critique, celui d’humilité, — qui est aussi un « art chrétien, » — leur pourrait suggérer.


II. — AUX ARTISTES FRANÇAIS

De ce côté du Grand-Palais, on est surpris de ne voir aucune œuvre d’un bon artiste qui y expose d’ordinaire, M. Sabatté. Il y en a pourtant une : le Salon tout entier, le Salon de peinture, dont on lui doit l’ordonnance à la fois logique et avenante, sans rien de la rigueur administrative, où l’on se