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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/576

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retrouve pourtant mieux que dans les autres. Car il y a une logique de la sensation, que connaissent d’instinct les artistes et que MM. les Conservateurs de musées ne soupçonnent même pas. Ainsi, l’on voit des pastels, des aquarelles, des dessins rehaussés introduits dans les salles de peinture à huile, quand ils s’y apparentent et c’est si naturel qu’on n’y prend même pas garde, au premier coup d’œil. Autant que c’est naturel, c’est instructif. Rien de plus curieux que de comparer le portrait à l’huile peint par M. Marcel Baschet avec les quatre pastels dont il est cantonné. Différences et ressemblances s’y décèlent beaucoup mieux que s’ils étaient séparés pour la régularité d’une comptabilité-matière. Il est instructif aussi de voir la petite exposition rétrospective de Rosa Bonheur, à propos du centenaire de sa naissance, entourée des peintres animaliers actuels, exposants de 1922. Quand on la voit seule, on se dit : « N’est-ce que cela ? » Mais quand on a vu les autres : « C’est un maître ! » Car nulle époque, peut-être, n’a moins observé les animaux, j’entends pour les peindre et je dis les familiers, car pour les abscons et les sous-marins, ils ont trouvé, çà et là des interprètes. C’est une bonne idée, également, que d’avoir consacré une salle et une des plus grandes et des plus lumineuses aux Orientalistes : c’est un petit Salon dans le grand et qui, à lui seul, vaut une visite. Tandis qu’à la Nationale ou dans les expositions de groupes « avancés » on explore la Polynésie, ici l’on n’en est encore qu’à l’Orient classique, surtout à l’Algérie, à la Tunisie, au Maroc. Delacroix exulterait. « C’est un lieu tout pour les peintres, écrivait-il de Tanger à son ami Villot, en 1832. Les économistes et les saint-simoniens auraient fort à critiquer sous le rapport des droits de l’homme et de l’égalité devant la loi, mais le beau y abonde ; non pas le beau si vanté des tableaux à la mode. Les héros de David et compagnie feraient une triste figure avec leurs membres couleur de rose auprès de ces fils du soleil, mais en revanche, le costume antique y est mieux porté, je m’en flatte. Si vous avez quelques mois à perdre quelque jour, venez en Barbarie ; vous y trouverez le naturel qui est toujours déguisé dans nos contrées, vous y sentirez la précieuse et rare influence du soleil qui donne à toute chose une vie pénétrante. »

II n’a guère fallu plus de quatre-vingts ans pour que l’appel de Delacroix en faveur du Maroc fût entendu. Nos artistes y