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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/579

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savoureuse et riche matière des maîtres anglais du XVIIIe siècle ; l’enfant dans un fauteuil par M. William Carter et son profil de femme dans l’ombre, portrait de la fille de lord Wolverton ; tous deux dans de beaux tons sourds, pleins de résonances et d’harmoniques lointaines ; le portrait de M. Lucien Guitry par M. Oswald Birley, fortement caractérisé, sobrement peint ; le portrait en pied d’un personnage fort âgé, bien connu en Angleterre, comme militaire, homme d’État et yachtman, tout constellé d’ordres, assis dans son fauteuil, auprès d’une petit nef d’argent, qui rappelle ses triomphes nautiques. C’est The Earl of Dunraven, par M. Arthur Cope, portraitiste attitré des grands de ce monde et lui-même vétéran de la Royal Academy, où il expose depuis 1876, et où il a donné de meilleures œuvres assurément que celle-ci. On y aurait mis encore le portrait de Mme Shanks, par M. Shanks, gracieuse harmonie en noir ; le portrait du baron de L. V., par M. Stoénesco, un peu à la manière noire de Ribot, bien oublié aujourd’hui ; la toile intitulée Avant le Bal, par M. Rosenfield, où le sombre reflet de la femme debout devant une glace, les accents d’un coffret rouge, des perles éparses, la toilette composent une harmonie en sourdine très attachante ; la Jeune fille et son chien, de M. Bigelow-Tilton, portrait ébouriffé et enlevé à la manière de Hoppner ou de Romney, avec beaucoup d’éclat et de vie.

Tous ces artistes ne crient pas de toutes les forces de leur dessin et de leur couleur : je ne suis pas français ! Pourtant, ils se décèlent à première vue Anglais, ou au moins Américains, — les Etats-Unis étant, comme on le sait, beaucoup moins loin de nous que Fulham ou Kensington. Ils parlent notre langue, mais avec un léger accent étranger. Cet accent est même imperceptible chez les paysagistes. Ainsi, faut-il savoir que M. Hughes-Stanton est Anglais, pour ne pas attribuer à l’Ecole française son beau paysage de dunes à Equihen, un effet qu’il a souvent étudié, qu’il sait fort bien rendre, quoique très subtil et en nuances quasi insaisissables : la teinte légèrement livide que prennent les choses, en été, par un temps chaud, lorsque le soleil est éclipsé un instant par un nuage. De même, c’est un effet très particulier qu’a rendu M. Edward Chappel, Anglais lui aussi, dans son grand paysage du Comté de Buckinghamshire, vu l’après-midi, par un tel jeu d’écran nuageux que toute la lumière occupe les lointains ou le ciel. Il faut, pour y parvenir,