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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/578

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donnée ? C’est la peinture qu’il faut voir. Elle est lumineuse et robuste. Avec M. Henri Martin, comme on le sait, le pointillisme est de l’art et non de la découverte scientifique. Il ordonne, il dessine et il peint. Il n’a peut-être pas retrouvé, dans sa moisson, la spontanéité, ni la fraîcheur de ses Faucheurs d’il y a une quinzaine d’années. C’était une page admirable où tout s’unissait pour nous émouvoir. Et puis, il semble bien qu’on aperçoive maintenant, au fond de son tableau, une faucheuse mécanique... Mais il y a encore le soleil, et M. Henri Martin sait le faire voir. Il est, à ce Salon, de ceux très rares qui sauvent la mise de l’Institut.

Les « tendances nouvelles » ont aussi leur salle où on les a rassemblées. Ce qui y manque le plus, c’est la fantaisie. La succession de Gaston La Touche est toujours ouverte, bien que manifestement les candidats soient nombreux à la recueillir. Mais n’est pas fantaisiste qui veut. Notre époque est, par excellence, une époque de théories esthétiques, et ce n’est pas signe de spontanéité. Pourtant, il y a dans les Pigeons blancs de M. Dupas, sorte de composition archaïque rappelant beaucoup M. Ingres et très peu Boecklin, quelque saveur due à de curieuses rencontres de couleurs. Il y a une salle provençale, où M. Olive nous rappelle l’existence de la Pointe Saint-Hospice, au Cap Ferrat, un des derniers rivages restés intacts de cette côte méditerranéenne saccagée par l’esthétique hôtelière, et M. Doigneau nous remet devant les yeux les Gardiens de Camargue, devant les murailles d’Aigues-Mortes, suprêmes vestiges des figurations de Mireille.

Jusqu’aux prélats qui ont leur salle ! On y a réuni les portraits de Benoît XV, par M. Umbricht, où les blancs du costume et l’expression du visage sont assez ternes, et de Mgr de la Villerabel, par M. Renard, où, au contraire, le violet romain de la soutane s’éclaire de quelques reflets de pourpre cardinalice. Il y a, ainsi, un certain nombre de salles spécialisées : il y a même des salles consacrées aux « croûtes. » On les découvrira sans peine ; elles sont plusieurs et des mieux remplies. On n’a pas consacré une salle spéciale aux étrangers. On aurait pu le faire : ce n’aurait pas été la plus mauvaise. Il est même à craindre qu’elle n’eût retenu l’attention plus que les autres. On y aurait mis le beau portrait de vieille dame de M. Ronald Gray, où les noirs et les blancs rappellent un peu la