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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/629

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ses Œuvres complètes ; il sentait ce que dix ans de perspective lui eussent ajouté. Comme on préférerait qu’il n’eût point prononcé ce « petit discours ! » Mais quoi ! il venait de voir à Orléans des troupes bavaroises maintenir l’ordre pendant l’élection de députés français ; comme beaucoup d’honnêtes gens alors, il rendait responsables de la nouvelle invasion les « traîtres de mars... » Et il est trop certain qu’approuvé par sa femme et par beaucoup de ses amis, à commencer par M. Le Moine, il assit d’abord sa fortune politique sur les plus fougueuses, mais les plus sincères des opinions « ultras ».

En même temps, et non moins sincèrement, il était partisan des libertés constitutionnelles ; et voilà le paradoxe secret qui jusqu’en 1830 rongera toute sa politique. Homme d’avenir, il veut fonder la liberté ; homme de tradition, il la veut confier aux mains des plus dogmatiques tenants du passé. C’est pour eux qu’il la réclame, en septembre 1816, dans la Monarchie selon la Charte, et dans le fameux post-scriptum qu’il y ajouta, d’une plume irritée, au lendemain du décret qui dissolvait la Chambre introuvable.


IV. — L’ORAGE POLITIQUE ET FINANCIER DE 1817

Dans son effort pour concilier les contradictoires, il devait s’épuiser ; il faillit se briser d’abord, lui, et toutes ses fortunes, la politique aussi bien que la financière. Rayé de la liste des ministres d’Etat, accablé de la rancune personnelle du Roi, il ne pouvait plus, de longtemps, prétendre ni aux faveurs ni aux places ; on l’aurait dépouillé de la pairie, si on l’avait pu, et si, par bonheur, la pairie n’était un don à vie, insaisissable autant qu’incessible. Elle comportait pour lui un traitement annuel de douze mille francs : heureux traitement, qui au grand homme déchu assurait, du moins, l’essentielle subsistance. Mais en sus de ce traitement-là il ne possédait plus rien, — que des dettes. Sa propriété de la Vallée-aux-Loups était dévorée d’hypothèques. Pour faire face aux créances les plus pressées, il vendit tout ce qu’il put vendre et, déchirement cruel ! jusqu’aux livres qui lui venaient de Pauline de Beaumont : le 29 avril 1817, ils étaient jetés au vent de la criée publique « à la salle Sylvestre, rue des Bons-Enfants... »

Enfin, vers la fin de juin, Chateaubriand abandonna son