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les États-Unis et elle gardait d’ailleurs sa supériorité incontestée en ce qui touche le personnel, l’organisation générale et les bases d’opérations.

Ce n’était pas assez toutefois. Quand elle reportait ses yeux de l’Amérique sur l’Europe, Albion reconnaissait sans doute avec satisfaction que sa marine y exerçait une maîtrise absolue, que la flotte allemande était, par ses soins, réduite des neuf dixièmes et que la flotte française (par ses soins aussi, mais indirectement appliqués) n’avait pas récupéré ses pertes de guerre. Plus de deux ans s’étaient écoulés même depuis la paix sans que, chez nous, ministère et Chambres se fussent mis d’accord sur un programme qui abolissait d’un trait de plume cinq dreadnoughts inachevés et les remplaçait par un faible nombre de bâtiments légers, de surface ou de plongée. Et tout cela apparaissait fort avantageux à la Grande-Bretagne...

Oui, mais tout cela aussi ne résolvait pas, au goût de l’Amirauté anglaise, la question fondamentale des sous-marins.

Car il y avait une question, fondamentale en effet, des sous-marins. A ceux-ci, dès le printemps de 1919, l’Amirauté et le Gouvernement anglais avaient déclaré une guerre implacable, une guerre d’extermination. On se rappelle qu’après avoir à peu près rallié à leur thèse la délégation américaine à la Conférence de la paix, les représentants britanniques avaient demandé au Conseil suprême de décider la suppression pure et simple de l’instrument de guerre qui avait failli, en 1917, causer la perte des Alliés [1].

En fait, la question ne fut pas mise en délibération par les cinq grands chefs. Il semble qu’au dernier moment les marins américains aient reculé devant les conséquences d’une telle mesure, ou, au contraire, qu’ils en aient reconnu l’inanité ; car, enfin, est-il possible de supprimer d’un trait de plume un engin de guerre ? L’expérience du dernier conflit, en tout cas, permet de répondre négativement à cette interrogation.

Quoi qu’il en soit, c’était pour les hommes d’Etat et pour les marins anglais, sinon une partie perdue, au moins une première offensive manquée. On ne désespérait pas de mieux

  1. On cite volontiers le tragique dialogua des deux amiraux Jellicoe et Sims (le premier, Anglais, le second, Américain) au milieu de 1917, au sujet des résultats de la guerre sous-marine : « Si ça continue comme ça, dit l’amiral Jellicoe, nous perdrons la guerre. — N’avez-vous donc aucun moyen de paralyser les sous-marins ? répliqua l’amiral Sims. — Non, aucun, jusqu’ici. Nous cherchons ! »