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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/745

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LES DROITS DE LA FRANCE EN ORIENT

Enfin en Orient, nous avons à poursuivre l’action civilisatrice de nos pères, mais avec cette différence qu’aujourd’hui nous sommes en Algérie, en Tunisie, en Afrique occidentale, au Maroc, chez tous ces peuples qui nous ont apporté un surcroît de force et de ressources. La France est devenue une grande puissance musulmane, et jamais l’heure ne fut plus propice pour faire sentir à notre famille élargie les bienfaits du génie français. En même temps, nous devons continuer notre politique traditionnelle, celle qui fait corps avec toute notre histoire, la protection généreuse des droits des minorités.

Vous vous souvenez, messieurs, comment, dès 1914, le général Franchet d’Espérey avait conçu le dessein d’une expédition qui, de Salonique, se serait dirigée par Belgrade sur Vienne et Berlin ; vous vous rappelez à quels obstacles se heurta ce projet, et comment, bien que tardivement et partiellement exécuté, il amena la défaite des Bulgares, premier coup porté à la puissance allemande. Le vainqueur de Monastir prit le commandement des troupes alliées à Constantinople. Or, tout à coup, un jour, le 8 octobre 1918, il reçut l’ordre de le céder à un général anglais. La police ottomane fut aussitôt remplacée par une police anglo-turque. Les Anglais, qui devaient désarmer les Turcs, leur livrèrent les dépôts d’armes dont ceux-ci se servirent, vous savez comment. Les meilleurs amis de la France furent arrêtés, emprisonnés, proscrits. Quelles graves atteintes furent portées alors à notre influence et à notre prestige, vous ne le savez que trop !

Il nous faut, maintenant, conclure un traité de paix général avec la Turquie et concilier ses intérêts avec ceux de la Grèce. Il serait à souhaiter que, cette fois, tous les Etats intéressés eussent voix au chapitre, afin de faire œuvre aussi juste et aussi durable que possible : Turcs et Grecs, musulmans, chrétiens, Arabes, Arméniens, qui désirent un foyer national et un statut juridique sous la protection des grandes Puissances et que nous ne saurions abandonner sans une sorte de déchéance morale ; les Géorgiens, qui, eux aussi, se sont rangés sous notre drapeau, — la Géorgie, c’est le Caucase, et le Caucase c’est le pétrole, c’est-à-dire la maîtrise des mers, — enfin les Bulgares