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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/844

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la grande citadelle navale qui commande l’accès de Pétrograd du côté du golfe de Finlande.

La ville (environ 55 000 habitants) ne reconnaît ni l’autorité du Gouvernement provisoire ni celle du Soviet. Les troupes de la garnison, qui ne compte pas moins de 20 000 hommes, sont en révolte ouverte. Après avoir massacre la moitié de leurs officiers, elles en retiennent comme otages deux cents, qu’elles contraignent aux besognes les plus dégradantes, telles que le balayage des rues, les gros travaux du port.

A Helsingfors, même anarchie.

A Schlusselbourg, la ville est régie par une Commune insurrectionnelle, dont le premier acte a été de pactiser avec un syndicat de prisonniers de guerre allemands. Sur les instances de ce syndicat, une soixantaine de prisonniers alsaciens-lorrains, à qui j’avais procuré un régime de faveur, ont été sévèrement incarcérés.


A cinq heures, je fais visite au grand-duc Nicolas Michaïlovitch, dans son palais, rempli de souvenirs napoléoniens. C’est la première fois que j’ai l’occasion de m’entretenir avec lui, depuis la Révolution.

Il affecte un optimisme auquel je ne réponds que par le silence. Il n’insiste d’ailleurs pas plus qu’il ne faut et, pour que je ne le croie pas trop dupe des événements, il énonce cette conclusion prudente :

— Tant que des hommes aussi sérieux et patriotes que le prince Lvow, Milioukow et Goutchkow resteront maîtres du Gouvernement, je serai plein d’espoir. S’ils succombent, c’est le saut dans l’inconnu.

— Au premier chapitre de la Genèse, cet inconnu est désigné par un nom précis.

— Ah ! quel nom ?

— Le tohu-bohu, qui signifie le chaos.



Mercredi, 4 avril.

Hier, le ministre de la Justice, Kérensky, s’est rendu à Tsarskoïé-Sélo pour contrôler personnellement la garde des ex-souverains. Il a trouvé tout en ordre.

Le comte Benckendorff, grand-maréchal de la Cour, le prince