Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/845

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dolgoroukow, maréchal de la Cour, Mme Naryschkine, grande-maîtresse de la Cour, Mlles de Buxhoevden et Hendrikow, demoiselles d’honneur, enfin le précepteur suisse du Tsaréwitch, Gilliard, partagent la captivité de leurs maîtres. Mme Wyroubow, qui logeait aussi au palais Alexandra, en a été enlevée pour être conduite à Pétrograd et incarcérée à la forteresse des Saints-Pierre-et-Paul, au fameux bastion Troubetzkoï.

Kérensky s’est entretenu avec l’Empereur. Il lui a demandé notamment s’il était vrai, comme les journaux allemands l’ont affirmé, que Guillaume II lui ait plusieurs fois conseillé d’adopter une politique plus libérale.

— Tout le contraire ! s’est écrié l’Empereur.

L’entretien s’est prolongé, sur le ton le plus courtois.

Kérensky a même fini par subir le charme d’affabilité qui émane naturellement de Nicolas II et il s’est plusieurs fois surpris à l’appeler :

Gosoudar !... Sire !

L’Impératrice, au contraire, s’est enveloppée de froideur.

Le départ de Mme Wyroubow ne l’a pas affectée, au moins de la manière qu’on aurait pu croire. Après lui avoir été si passionnément, si jalousement attachée, elle a soudain rejeté sur elle la responsabilité de tous les maux qui accablent la famille impériale et la Russie :

La détestable OEnone a conduit tout le reste !


Jeudi, 5 avril.

J’adresse à Ribot le télégramme suivant :

Quelques journaux de Pétrograd reproduisent un article du Radical concluant à la nécessité de changer le représentant de la République en Russie. Je n’ai pas à prendre l’initiative d’émettre un vœu sur le fond de la question. D’autre part, Votre Excellence me connaît assez pour être certaine que, en de pareilles conjonctures, toute considération personnelle m’est étrangère. Mais l’article du Radical me fait un devoir de lui dire que, après avoir eu l’insigne honneur de représenter depuis plus de trois ans la France à Pétrograd et ayant conscience de n’y avoir épargné aucun effort, je n’éprouverais aucune peine à être déchargé de ma lourde tâche, et que, si le Gouvernement de la République croyait utile de me désigner un successeur, je m’emploierais de mon mieux à faciliter la transition.