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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/952

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Il n’y allait pas de main morte, l’excellent Babinet. Il flétrissait comme « absurdes et en contradiction avec les lois de la nature » une foule de phénomènes « depuis les magiciens de tous les âges de l’Antiquité, l’astrologie, les convulsionnaires de Saint-Médard, les guérisons miraculeuses de Mesmer, le magnétisme animal, jusqu’aux tables tournantes actuelles. » Or, parmi ces phénomènes ainsi décriés en bloc, il en est, comme les guérisons de Mesmer et les convulsionnaires, qui aujourd’hui ont trouvé place à jamais dans les cadres de la science médicale.

Il considérait a priori comme « impossible » parce que « contraire » aux lois de la nature, maint phénomène tel que le déplacement d’objets sans contact. C’est qu’à cette époque bénie on croyait connaître les « lois de la nature. » Si on avait dit à Babinet ou à la plupart de ses contemporains (je par le dos savants ayant une autorité) que la masse des corps varie avec leur vitesse et que la loi classique d’addition de vitesse, base de la mécanique traditionnelle, est fausse ; si on leur avait dit que la lumière ne se propage pas en ligne droite ; si on leur avait dit que la transmutation des éléments chimiques est possible et que tous les corps sont composés de particules élémentaires identiques et décelables ; si on leur avait dit tout cela, ils auraient poussé les hauts cris, car tout cela leur eût paru en contradiction avec ce qu’ils appelaient alors « les lois de la nature. »

Ils n’eussent pas accepté ces choses sans regimber.

C’est donc un critérium assez faible qu’employaient ces savants pour n’admettre la possibilité que de phénomènes « raisonnablement admissibles, » et pour écarter a priori « toute intervention de force mystérieuse en contradiction avec les lois physiques bien établies par l’observation et l’expérience. »

Là où on peut cependant approuver Babinet, c’est lorsqu’il affirme que « nous ne pouvons rien admettre de contraire à l’expérience dans le monde matériel. » Mais lorsqu’il ajoute : « Apprenons de l’expérience à distinguer le possible et l’impossible, » on peut lui dire qu’il se trompe, car l’expérience ne peut pas nous renseigner sur le possible, mais seulement sur le réel et, pour mieux dire, sur le réel sensible. Babinet s’étonne d’ailleurs qu’un mémoire ait pu être présenté sur ces questions à « l’Académie des sciences malheureusement accessible à toutes les prétentions des observateurs étrangers, » On se demande si, présent, il n’eût pas protesté contre la présentation du « Traité de métapsychique » que lit l’autre jour à la docte assemblée M. Charles Richet, titulaire du prix Nobel de médecine, découvreur