Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’anaphylaxie et de tant d’autres belles nouveautés qui ont enrichi la science et la pensée humaine. — Pourtant Babinet était un physicien de valeur. En parlant et en écrivant ainsi, il croyait de bonne foi défendre « des principes qui ont assuré les progrès des sciences d’observation. » Nous avons vu que cet argument est faible.

« Le possible, dit Babinet, est ce qui est ; l’impossible est ce qui est en contradiction avec ce qui est, c’est-à-dire avec les faits. » Raisonner ainsi, c’est croire que nous avons observé tous les faits et que nous n’en ignorons aucun. Certains le croyaient du temps de Babinet. C’était enfantin.

« Il y a plus de choses entre le ciel et la terre que n’en peut contenir toute notre philosophie. » « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. » C’est de main de maître, que M. Richet rappelle tout cela à ceux qui prétendent parler au nom de cet a-priorisme scientifique.

Aux négateurs qui objectent que la métapsychique, s’appuyant sur des expériences qui ne peuvent se répéter, n’est pas une science, M. Richet répond en substance ceci.

Il y a dans la nature bien des phénomènes qui ne sont pas reproductibles à volonté et dont la science ne nie pourtant pas la réalité. Telles sont les éclipses. Niera-t-on pour cela leur existence ? Ne serait-il pas inadmissible de nier l’existence des aérolithes sous prétexte que tel jour et à telle heure il est impossible de faire tomber à volonté un aérolithe sur la place de la Concorde ? On peut d’ailleurs rappeler à ce propos que Lavoisier (les plus grands hommes ont quelque jour une faiblesse) a dit que nulle pierre ne tombait du ciel parce qu’il n’y a pas de pierres dans le ciel.

L’absurdité serait non pas, comme le dit Babinet, d’étudier certains faits inhabituels, mais de ne pas vouloir les étudier parce qu’ils sont anormaux.

Toute cette partie de la doctrine du professeur Richet est profonde et juste. On ne peut également que souscrire à sa manière de voir, lorsqu’il affirme que l’inconnu nous baigne de toutes parts et l’insolite, et que c’est un mauvais critère de rejeter d’avance certaines possibilités sous prétexte qu’elles choquent peu ou prou nos habitudes mentales.

Cette attitude est en vérité plus véritablement scientifique que celle de l’illustre physicien anglais lord Kelwin (qui a le juste honneur de reposer à Westminster à côté de Newton) lorsqu’il affirmait dogmatiquement ceci : « Je tiens à repousser toute apparence