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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/962

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libres qui donneraient la majorité au parti modéré et mettraient en vigueur une constitution qui ferait de l’Irlande un Dominion autonome de l’Empire britannique. Le Gouvernement provisoire, ne disposant d’aucun moyen pour briser cette résistance et faire cesser l’anarchie que deux ans de guerre contre les Anglais ont rendue générale, a dû récemment conclure un « pacte » avec les irréductibles : les élections auront lieu pour la forme, mais chacune des deux tendances devra conserver, dans le futur Parlement, la force relative dont elle dispose actuellement, et le futur ministère sera composé à peu près également des uns et des autres. Ainsi les « purs » républicains font la loi à la masse plus sage. Le Gouvernement de Londres regarde le « pacte » nouveau comme une infraction au traité du 6 décembre et comme un pas en avant vers la république indépendante qu’il s’est toujours refusé à accepter ; il refuse d’approuver le projet de constitution qui vient de lui être soumis. Mais que peut-il faire ? Accepter le fait accompli, se résigner bientôt à la totale séparation, ou reconquérir « l’île sœur » au prix d’une guerre d’extermination ? C’est ainsi que se pose le douloureux problème. La question de l’Ulster envenime la situation et la rend insoluble : c’est l’héritage de Cromwell et de toute l’histoire anglaise ! Depuis deux ans, les « Orangistes « de Belfast et des six comtés du Nord font peser une persécution terrible sur la minorité catholique de l’Ulster ; depuis quelques mois, les protestants organisent de véritables pogroms contre les catholiques ; on les tue, on les chasse de leurs emplois, notamment dans les chantiers de constructions navales de Belfast, on expulse les familles catholiques de leur maison, de leur village. C’est, sous l’œil complaisant du Gouvernement de l’Ulster et des troupes anglaises, la terreur avec l’extermination pour but. Les catholiques commencent à se défendre. On a même vu, près de Cork, dans l’Irlande catholique, fait jusqu’alors sans exemple, des protestants assassinés par représailles confessionnelles. Dans l’Ulster, des Orangistes ont été tués, notamment un député ; les incendies se multiplient. Sur la frontière, les combats entre les deux partis sont quotidiens. Les troupes britanniques, appelées par le Gouvernement de Belfast, viennent d’entrer en action : c’est la guerre. Nous n’aurons pas la cruauté de mettre en balance l’impuissance du Gouvernement britannique à pacifier l’Irlande avec les affirmations de certains Anglais qui accusent la France de les empêcher de pacifier l’Europe qui d’ailleurs est en paix.

Les circonstances ont donné au beau discours prononcé le 29 par lord Derby au club constitutionnel un plus profond retentissement.