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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/963

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Son effort inlassable et si loyal pour comprendre les sentiments et les mobiles français porte à la longue ses fruits. La Conférence de Gênes, selon lui, a eu un bon résultat ; elle a montré qu’il était impossible, dans les circonstances actuelles, de traiter avec la Russie des Soviets ; on accuse la France d’avoir « torpillé » la Conférence ; seuls les Bolchévistes méritent ce reproche. « Si M. Lloyd George a quelque chose dans son esprit contre la France, qu’il le dise avec tact, avec fermeté. Les amis doivent s’entendre dire leurs vérités. Il n’y a pas d’amitié véritable s’il y a des arrière-pensées. » Puis le noble lord constate que l’Angleterre a envers la France une dette morale. « L’Angleterre a commencé par promettre à la France de la soutenir en cas d’invasion, et c’est pour cela que la France a renoncé à une rectification de frontière destinée à la mettre à l’abri. La France n’a jamais proposé que l’Angleterre maintint sa proposition lorsque les États-Unis n’ont pas donné suite à la leur. » Les mots ont ici leur importance. L’éminent ambassadeur nous permettra de remarquer que la France n’a pas demandé une « rectification de frontière, » elle n’a jamais souhaité d’annexer, sans l’aveu des habitants, un morceau de territoire allemand, mais elle considérait, et elle considère encore, que « déprussianiser » la Rhénanie, y créer, dans le cadre du Reich, un État autonome neutralisé, démilitarisé, serait la plus sûre garantie de paix européenne et le meilleur chemin vers une réconciliation franco-allemande. Une politique britannique plus avisée, moins prisonnière de traditions périmées et de formules désuètes, l’aurait compris et pourrait encore le comprendre.

Avec beaucoup de force, lord Derby demande : « Où en est le pacte ? » La France n’a jamais refusé l’alliance britannique, elle n’a jamais « repoussé le pacte. » « On accuse la France d’être militariste, mais elle a subi, de mémoire d’homme, deux invasions successives, et maintenant qu’elle est victorieuse, elle ne veut pas s’exposer à une troisième. Quand on vous dira que d’approuver un pacte avec la France, c’est entrer dons un accord militariste, repoussez ces idées avec indignation. » Langage honnête et noble qui repose de tant de calomnies ! Lord Derby complète sa pensée : « Le Traité de Versailles, on doit le considérer comme sacré. » C’est ici peut-être la phrase capitale de ce discours si important. Tandis que M. Lloyd George et ses amis n’ont cessé, avant, pendant et après Gênes, de répéter qu’il faut enfin établir la paix, que la France est un obstacle à la paix, lord Derby prend comme base solide de sa politique le Traité qu’il faut appliquer. « Il s’agit de trouver ce que l’Allemagne peut