Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À ce moment, la 3e division du colonel Lagos, soutenue par les feux de l’escadre, donna l’assaut ; la première ligne péruvienne fut enlevée, mais la seconde ligne opposa une nouvelle résistance : les défenseurs manquèrent de munitions et cédèrent le terrain jusqu’à Miraflorès, qui fut incendié et détruit de fond en comble.

À quatre heures et demie, la réserve Martinez et la première division Lynch attaquaient à leur tour le centre et la gauche des Péruviens, qui étaient pris de flanc par l’avance de la 3e division Lagos ; bien que les abords des retranchements fussent parsemés de mines automatiques, la ligne fut emportée, et deux régiments de cavalerie poursuivirent aussi loin que le permettait l’état du terrain, coupé de nombreuses clôtures. À six heures, les Chiliens n’avaient plus d’ennemis devant eux.

Sur 23 129 combattants, l’armée chilienne perdit pendant les journées du 13 et du 15 janvier 1881, 5 443 hommes hors de combat, dont 1 229 tués et 4 144 blessés, soit plus du quart de l’effectif.

Les renseignements péruviens sont moins précis, mais on peut admettre qu’il y eut, pour 30 000 combattants, 6 000 tués et 3 000 blessés, soit le tiers de l’effectif hors de combat. Parmi les morts de la dernière bataille, toutes les classes sociales étaient représentées, ainsi que tous les âges de la vie : on nommait des magistrats de soixante ans et des étudiants de dix-huit, des députés, des écrivains, des artistes, des diplomates, de notables commerçants…

Durant des mois, ces citoyens paisibles avaient été à l’exercice pendant quelques heures par jour, tout en logeant chez eux ; cette armée de réserve était à peine une garde nationale, et il est admirable que ces soldats improvisés, peu et mal encadrés, soutenus par une artillerie aussi insuffisante, aient pu offrir une pareille résistance aux troupes aguerries du Chili et supporter de telles pertes avant de céder à l’ennemi un terrain qu’il achetait aux prix de lourds sacrifices. Évidemment, par l’effectif des armées en présence, ces batailles sont hors de comparaison avec celles qui se sont livrées en Europe vers la même époque, la guerre franco-allemande de 1870-71 et la guerre russo-turque de 1877-78. Il s’agit de populations beaucoup moins considérables, clairsemées dans des territoires d’une immense étendue, et le nombre des combattants est limité par