Renvoyée au Kremlin, à l’institution où j’avais été jugée, le C. C. E. P. R., j’usai de ruse.
— Je suis allée voir Krylenko hier, lui dis-je : il m’adresse au Comité pour un permis de voyage à Kiev.
Ma ruse réussit pleinement ; à peine avais-je prononcé le mot magique de Krylenko, qu’on courut chercher le permis. Dix minutes plus tard, j’avais le papier en main...
Avant de quitter le comité, je suivis le corridor qui traversait l’institution. Toutes les portes des chambres dans lesquelles les différentes sections du comité étaient disposées, donnaient dans ce corridor. Ma curiosité fut pleinement satisfaite ; car je pus constater de mes propres yeux ce que j’avais maintes fois entendu dire : le C. C. E. P. R. était, en effet, une maison de débauche. Je vis par les portes entr’ouverles des scènes que je n’essaierai même pas de décrire. C’est ainsi qu’on « travaillait » dans la « République paysanne et ouvrière. »
Deux jours plus tard, ma bonne et moi, nous réussîmes, après des efforts surhumains, à nous frayer un passage dans le train. Je n’avais aucune idée d’un voyage de ce genre. Le wagon à bétail dans lequel nous avions fait le chemin jusqu’à Moscou comme otages, était confortable et même luxueux en comparaison. Le train était presque exclusivement composé de wagons de quatrième classe, sans chauffage, avec des vitres cassées et des planches clouées aux fenêtres, ne laissant qu’une petite ouverture tout en haut. Il faisait complètement nuit dans ces wagons. Des voitures de première et de seconde classe étaient attachées au train, mais elles étaient spécialement destinées aux communistes, et bien qu’à demi vides, personne d’autre n’avait le droit d’y entrer.
A l’arrivée à Kiev, nous nous rendîmes tout droit chez notre ancien fermier, K..., pour lui demander abri jusqu’au moment où j’aurais décidé de mes mouvements ultérieurs. J’étais obligée de me cacher sous un faux nom. Je n’avais averti personne de ma mise en liberté et de mon retour à Kiev, excepté ma tante, Mme V. I., qui me revit avec les signes de la plus grande joie. Je ne pus malheureusement voir mon fils. Il se cachait dans la maison d’un prêtre de village, et nous considérions qu’il serait imprudent de le faire venir à Kiev, car il avait dix-sept ans, et risquait d’être enrôlé dans l’armée rouge.
Je n’avais eu jusqu’alors que des nouvelles rares et insuffisantes