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dû traverser le désert des siècles, acheter de presque tous ses trésors le passage d’un monde à un autre. À peine si, lorsqu’il nous parvient, un rubis ou une perle témoigne encore du fastueux envoi primitif. C’est assez, pourtant, pour recevoir le don d’une âme lointaine.

Voici un poème anonyme du Ier siècle avant J.-C.


L’ANCIENNE ET LA NOUVELLE

« Elle était allée cueillir des simples dans la montagne. En descendant, elle a rencontré son ancien mari. Elle s’agenouilla et lui demanda : Comment vous trouvez-vous de votre nouvelle femme ? Ma nouvelle femme, répondit-il, quoique d’une agréable conversation, ne peut me charmer autant que l’ancienne. Pour la beauté, on ne saurait laquelle choisir. Mais quant à l’utilité, elles ne se ressemblent en rien. Ma nouvelle femme vient de la rue pour me retrouver. L’ancienne descendait toujours de sa chambre. La nouvelle s’entend à broder la soie. L’ancienne excellait dans la simple couture. De la soie, on en peut broder un pouce par jour ; de la couture, on en peut faire plus de cinq pieds. En mettant son ouvrage à côté du vôtre, je vois qu’entre l’ancienne et la nouvelle, il n’y a vraiment pas de comparaison. »


Les poèmes suivants sont tous de Pai kiu i, qui vécut sous les T’ang, de 772 à 846 après J.-C.


MA SERVANTE M’ÉVEILLE

« Ma servante m’éveille : « Maître, il est grand jour. Levez-vous : voici le bol et le peigne. L’hiver vient et l’air du matin fait frissonner. Il ne faut pas qu’aujourd’hui Votre Honneur se risque dehors. — Mais, quand je reste chez moi, personne ne vient me voir. Que ferai-je dans la lenteur des longues heures ? Je mettrai mon fauteuil à l’endroit où donne un faible soleil, et là, j’aurai du vin chaud et les livres des poètes. »


EN REGARDANT LES MOISSONNEURS

« Les travailleurs de la terre ont rarement du loisir, mais quand vient le cinquième mois, leur labeur redouble. Le vent du Sud visite les champs pendant la nuit, et soudain la colline est couverte d’épis dorés. Femmes et filles chargent sur leurs