vienne à vous, et celle qui le fera aura perdu tout son prix à vos yeux, car la femme, même dans ses plus grands désordres, ne doit point dépouiller ses pudeurs. La femme bien à vous, fière d’y être, pour laquelle vous aurez un signal quand votre âme fatiguée aura besoin de se désaltérer au sein de la sienne ; qui, emportée par vous, vous suivra avec enthousiasme dans votre essor rapide et aura un baiser pour adoucir le choc de rebutantes réalités quand vous quitterez les hauteurs où vous aimez tant à planer. Cette femme, que vos projets de gloire n’effraieront pas, sûre qu’elle sera d’être toujours là, toujours avec vous, pour laquelle l’avenir sera toujours beau, parce qu’elle sera à vous, parce que l’indifférence, le mépris, et les remords n’atteindront pas sa vieillesse, cette femme-là peut seule quelque chose pour votre bonheur.
Cher, bien cher, votre cœur est resté pur, je dirais presque en dépit de vous, car vous êtes de ceux qui, en mauvaise compagnie, ont honte d’être bons. Il lui faut, à ce cœur, de l’amour vrai et profond ; et n’eussiez-vous, votre femme et vous, que ce sentiment d’union qui est le partage des ménages ordinaires, vous en auriez encore assez pour satisfaire à cette soif qui vous tourmente et vous donne une préoccupation parfois délirante. Si vous étiez toujours avec des gens simples et de bon sens comme nous, que vous y gagneriez en bonheur, dût le coloris de vos écrits en être un peu moins vif ! Au reste, venez ici ou à Frapesle ; ici, je vous emmènerai toujours avec moi. Je vous ferai connaître ma belle cousine, c’est une statue à animer, une éducation toute provinciale, une belle fortune, mais peut-être l’obligation de demeurer en province au moins neuf mois. Si vous ne voulez que de l’argent, c’est cela. Pour le feu sacré, y est-il ou non ? C’est une question non encore résolue. Permettez-moi de vous dire de vous défier un peu du ménage Émile de Girardin. Lui, est un spéculateur, et cette sorte de gens sacrifierait son enfant. Elle, est sèche ; j’en ai eu la preuve dans différents traits à moi contés. Si vous pouvez faire sans lui, faites ; si non, agissez avec réserve, et surtout ne faites pas la faute de quêter une préface à qui que ce soit [1]. Vous, c’est vous, vous serez toujours seul là où vous serez et ne ferez ni centre, ni école.
- ↑ Balzac avait demandé à Delphine de Girardin une préface pour un recueil d’Études de femmes qu’il projetait de faire (Correspondance, I, 169).