le plus vite possible à une solution, quand brusquement, le 10 janvier, on apprit que des détachements armés avaient franchi la frontière et, grossis par les Lithuaniens du pays, marchaient sur Memel et se proposaient de placer les Alliés devant le fait accompli d’une annexion à la Lithuanie.
Les drapeaux des Alliés n’étaient gardés, à Memel, que par un haut-commissaire français, M, Petisné, et environ 200 soldats français dont moins de la moitié étaient des combattants ; ceux-ci reçurent de Paris l’ordre de ne pas s’opposer par la force à l’avance des Lithuaniens. On ignore encore par suite de quel malentendu il y eut un engagement où deux soldats français furent tués, mais on ne saurait assez le déplorer ; le sang français est trop précieux pour qu’on le dépense sans absolue nécessité. Les contingents Lithuaniens sont entrés à Memel le 15 sans résistance ; une sorte de zone neutre a été établie autour de la résidence du Haut-commissaire et de la petite garnison française. Un croiseur anglais est arrivé le 16, avec un contingent de soldats, ainsi que deux torpilleurs français qu’a suivis notre cuirassé Voltaire. Le danger de la première heure est désormais conjuré, mais les Lithuaniens refusent de se retirer tant que Memel ne sera pas attribué définitivement à la Lithuanie. Des représentations diplomatiques très fermes ont été faites au Gouvernement de Kovno. Les Gouvernements alliés ont décidé d’envoyer sur place une commission d’enquête, présidée par M. Clinchant, ministre plénipotentiaire, qui devra se rendre compte de la situation et obtenir, avant toute décision sur le sort de Memel, le rétablissement de la souveraineté des Alliés conformément au Traité.
A la première nouvelle des événements de Lithuanie, la presse allemande, comme sur un mot d’ordre, s’est hâtée d’en attribuer la responsabilité à la France, signe certain que l’Allemagne n’en était pas innocente. Nous aurions voulu démembrer l’Allemagne par l’Est et en même temps par l’Ouest ! Il était peu vraisemblable que le Gouvernement français, engagé sur le Rhin dans une partie difficile, eût choisi ce même moment pour se créer des embarras sur le Niémen ; il l’était au contraire que ses adversaires eussent profité des circonstances pour réaliser leurs desseins en Europe orientale. Les influences germaniques dominent à Kovno ; le mouvement nationaliste est né et s’est développé sous l’égide de l’Allemagne. Le territoire de Memel faisait bien partie de l’Empire allemand avant le Traité de Versailles, mais ce que l’Allemagne aujourd’hui redoute c’est moins l’extension à Memel de la souveraineté