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lithuanienne que la constitution d’un État autonome, analogue à celui de Dantzig, sous la garantie de la Société des Nations, qui servirait de débouché commercial à la Lithuanie aussi bien qu’à la partie Nord de la Pologne et même à la Russie. La Lithuanie est trop faible pour vivre sans appuis ; l’Allemagne espère que la défiance persistante que le gouvernement de Kovno manifeste à l’égard de la Pologne l’obligera à s’appuyer sur Berlin et Moscou ; la Lithuanie deviendrait ainsi une pièce importante du système allemand en Europe orientale. S’il n’est pas formellement prouvé que la responsabilité directe de l’Allemagne soit engagée dans les incidents de Memel, en tout cas, ils sont conformes à ses intérêts et ont été suscités par ses amis ; et c’est précisément ce qui donne à l’affaire de Memel un caractère grave ; ce qui est en jeu c’est moins un territoire, si intéressant qu’il soit, que le respect et l’exécution du Traité de Versailles et le prestige des Alliés. Il n’est pas admissible que la force résolve contre le droit la question de Memel ; le territoire ne doit être attribué à personne tant qu’il sera occupé par des bandes insurgées ; il restera entre les mains des Alliés comme un gage et, au besoin, comme une prime. Ce n’est pas au moment où nous entrons dans la Ruhr pour assurer l’exécution des traités que nous pouvons les laisser bafouer à Memel ; ce n’est pas au moment où nous prenons des gages en Prusse occidentale que nous abandonnerons sans compensation ceux que nous tenons en Prusse orientale.

Telle est, à la fin de cette première quinzaine de crise, la situation de l’Europe et de la France en Europe. Nous sommes loin d’être au terme de nos difficultés, mais le Gouvernement français est entré délibérément dans une voie nouvelle qui est la bonne voie. Il y est soutenu par l’approbation chaleureuse de la presque unanimité des Français. Contre le petit groupe d’égarés qui étaient allés porter jusqu’en Allemagne leurs paroles de révolte et de révolution, il a fait appel à la justice et pris énergiquement ses responsabilités, et cela aussi a été approuvé par l’opinion. Le moment est venu, pour tous les Français, se grouper autour de leur chef. La crise que nous traversons était inévitable ; elle se produit au bon moment et dans des conditions qui nous permettent d’augurer une issue favorable.


RENE PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.