de notre puissance spirituelle. La prépondérance des idées, l’empire sur les esprits et les cœurs, c’est notre but ; à d’autres, parfois, la primauté de la force et celle des affaires ; mais à nous, toujours et quand même, l’amitié des âmes. Eh bien ! de cette puissance qui est notre propre, qu’advient-il ? Au gré des cœurs, que vaut encore la France du Levant ? Ces vieilles nations de l’hellénisme, au déclin de Byzance, quand elles commencèrent d’être livrées au bon plaisir de l’Islam, c’est à nous qu’elles demandèrent secours, et, depuis six siècles, installées dans leurs ruines à demi méconnaissables, parées de quelques lambeaux des antiques civilisations, elles n’ont que nous pour amis efficaces. Nous protégeons leur culte, nous leur fournissons des éducateurs, nous sommes leur modèle et leur espoir. C’est notre vocation et notre gloire. Cela dure-t-il sans fléchissement ? Où en est notre protectorat et notre apostolat ? Que valent efficacement ces beaux titres ? Où en sont nos apports ? Je voudrais le savoir. Des bruits inquiétants ont couru. Que pensent à cette minute et qu’espèrent les envoyés de notre patrie et les messagers de notre civilisation ? Quelles sont leurs ressources et leurs besoins ? Un des articles les plus clairs de mon programme, c’est que je vais mener sur place, de ville en ville, une enquête sur la situation de nos maisons d’enseignement laïques et congréganistes, spécialement sur ces dernières dont je sais qu’elles risquent de mourir dans un bref délai, faute de recrutement. Un écrivain français a des dettes et des devoirs envers les propagateurs de notre langue et de notre plus haute civilisation. Je veux revenir dans la nouvelle Chambre avec des renseignements qui me permettent d’y dénoncer la grande pitié de nos missions et d’obtenir qu’elles puissent ouvrir, sur la terre natale, des noviciats où se recruter.
Tels sont mes projets. Ma bonne fortune me permet de suivre ma pente aux curiosités romantiques, tout en continuant à servir…
Mais trêve d’imaginations ! Dans cette grande vie monotone du bord, il faut que j’empêche mon esprit impatient et désœuvré de se construire par avance une Syrie et une Phénicie. Au lieu de devancer par mes songeries les leçons qui m’attendent, je veux interroger ceux de mes compagnons de route qui n’en sont pas à leur premier voyage.