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A cet égard, l’Empereur ne se faisait aucune illusion ; il pressentait que, une fois engagé sur cette voie, il ne pourrait plus s’arrêter. Quand le grand-duc Constantin et Loris-Mélikow lui vantaient trop complaisamment les mérites de la réforme, il ne manquait pas de leur rappeler que tous les malheurs de Louis XVI dataient du jour où il avait convoqué l’Assemblée des notables. Il avait néanmoins fini par nommer une commission secrète qui, sous la présidence du Césaréwitch, étudiait les modalités pratiques de la réforme et en établissait la teneur officielle ; le grand-duc Constantin participait aux délibérations, comme président du Conseil de l’empire.

Simultanément, le Tsar étudiait lui-même une autre question, qui lui tenait bien plus à cœur : l’élévation de la princesse Youriewsky au rang d’impératrice.

Il y attachait d’autant plus d’importance que, maintenant, il ne dissimulait plus son mariage et que Catherine-Michaïlowna participait ouvertement à la vie de la cour et de la famille impériales. Or, n’étant qu’une épouse morganatique, elle devait céder le pas à tous les grands-ducs et grandes-duchesses. Ainsi, aux dîners familiaux du dimanche, elle ne s’asseyait pas en face de l’Empereur : elle siégeait vers le bout de la table, entre le prince d’Oldenbourg et le duc de Leuchtenberg. Alexandre II avait hâte d’épargner à sa femme un traitement si pénible.

En droit, le couronnement de la princesse ne soulevait aucune difficulté : il suffisait que le Tsar mît sa signature au bas d’un ukaze. Pratiquement, des problèmes assez délicats se posaient. Jusqu’alors, le couronnement des impératrices avait coïncidé avec le sacre de leurs époux. Il n’y avait qu’une exception : la Livonienne Catherine, que Pierre le Grand avait épousée en 1711, après la répudiation de la tsarine Eudoxie. Mais, à cette époque, le cérémonial n’avait pas encore l’ampleur, la minutie et la solennité qu’il devait acquérir plus tard, au temps de Catherine II et de Paul Ier. Il fallait donc prévoir des dispositions nouvelles, supprimer certains rites, en ajouter quelques autres, et cela dans une matière où la liturgie sacrée, les principes monarchiques, l’histoire, la tradition, l’étiquette imposent des règles complexes. Le prince Jean Golytzine fut chargé d’une enquête confidentielle aux archives de Moscou, afin d’élucider la question.

Une procédure préalable s’imposait également. L’état civil de