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ennemi acharné de l’Italie, et de la Sardaigne en particulier, et il trouve dans le comte Kisseleff un appui auquel il ne s’attendait pas.

J’espère que cette intrigue sera déjouée. L’Empereur est trop généreux pour sacrifier une portion quelconque du peuple qu’il est venu régénérer. Mais elle pourrait lui créer des embarras, si on n’y prend garde. J’avoue que j’ai de la peine à pénétrer la pensée secrète de la Russie, et que je suis à me demander si elle veut la paix ou la guerre. Quoi qu’il en soit, il me paraît qu’elle ne peut exercer qu’une influence secondaire. Rien n’est à craindre tant que l’Angleterre ne se prononce pas contre notre programme. Alors, je sais de la manière la plus positive que lord Palmerston ne partage nullement les opinions et les sentiments de lord Cowley, et qu’il est très disposé à favoriser l’émancipation complète de l’Italie. Je suis persuadé que, si l’Empereur le faisait interpeller, il en recevrait des assurances très satisfaisantes.

Une fois tranquillisé du côté de la diplomatie, il n’y a plus à songer qu’à la guerre. Les armées alliées sont trop braves, elles sont dirigées par une intelligence trop supérieure, pour qu’il y ait lieu de douter du résultat final. Toutefois, je crois que notre but serait plus vite et plus complètement atteint, si nous pouvions pousser vigoureusement l’affaire de la Hongrie. Malheureusement, nos projets se trouvent entravés, pour ce qui a rapport à la formation de la Légion hongroise, par l’indécision, pour ne pas dire la désunion, qui règne dans le Comité hongrois, et quant aux préparatifs à faire en Hongrie, par l’état fâcheux où se trouvent les Principautés et la position embarrassante du prince Couza.

Malgré toute notre bonne volonté, et quoique j’aie brisé tous les obstacles administratifs, la formation de la Légion procède avec lenteur. Le général Klapka fait ce qu’il peut, mais il me paraît entravé par la partie civile du Comité. Non que Kossuth soit mal disposé, au contraire, j’ai été on ne peut plus satisfait de sa loyauté et de sa modération ; mais parce qu’il parait croire que la question de la Légion doive être subordonnée à la question de l’insurrection, ce qui est, à mon avis, une grande erreur. J’espère que Votre Altesse le fera comprendre à Kossuth et que celui-ci, au retour du camp, donnera au général Klapka un concours sincère.