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En attendant, la faiblesse de nos ressources se fait sentir dans cet ordre comme en tous les autres et nous empêche de recueillir les avantages mêmes que le traité de paix nous a consentis. L’école d’ingénieurs que l’Allemagne entretenait à Chang Hai, et dont on nous a transmis la propriété, nous ne l’avons pas encore rouverte. Aucun établissement ne représenterait ici l’esprit français et ne maintiendrait l’usage de notre langue, s’il n’y avait pas ceux des Jésuites.

Les Jésuites ont en Chine la plus noble des traditions : ils y ont apporté les lumières des sciences et c’est à cet esprit qu’ils restent fidèles. J’ai visité à Zi Ka Wei, près de Chang Haï, un petit observatoire météorologique où l’on ne peut entrer sans émotion, car c’est là que fut conçue et constituée cette théorie des typhons, qui a permis d’en prévoir et d’en annoncer la marche. L’observatoire, après avoir concentré les indications des sémaphores de la côte, envoie ses dépêches jusqu’au Japon d’une part et jusqu’aux détroits de l’autre, de sorte que les navigateurs sont avertis des périls qui les menacent, et lorsque le typhon se tord sur la mer, il n’étreint plus de vaisseaux dans ses griffes vides. Deux Pères jésuites, aidés de quelques Chinois, suffisent à ce service. Je ne parle pas de tout ce que les Jésuites ont fondé ici, crèches, orphelinats, ateliers, ni du collège où plus de quatre cents élèves, tant chrétiens que païens, font leurs études françaises et chinoises, ni du collège de jeunes filles qui vaut les bons couvents d’Europe. J’en viens à leur Université, connue dans tout l’Extrême-Orient, l’Aurore.

Comme il arrive souvent aux entreprises les plus prospères, elle naquit d’une occasion ; elle n’existe que depuis dix-sept ans et accueille à présent plus de deux cents élèves. On y enseigne les Lettres et le Droit, les Sciences mathématiques et le Génie civil, les Sciences naturelles et la Médecine. Le cours des études dure de cinq à neuf ans, selon la matière choisie par les jeunes gens et leur connaissance préalable du français. Des Jésuites, aidés d’une dizaine de professeurs laïques, tous Français, donnent l’enseignement. Je me suis entretenu avec plusieurs de ces derniers et je n’en ai pas trouvé un qui ne fut plein de goût pour son métier. Cela se conçoit. J’ai dit quelle était l’émulation des différentes nations, pour donner des maîtres