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LES CONSEILS D’OUVRIERS

Depuis que la grande industrie existe, les ouvriers ont désiré s’élever de la condition de salariés à celle d’associés du capital. Dès 1848 Corbon, d’ouvrier devenu député et vice-président de l’Assemblée nationale, exprimait ce vœu devant l’Assemblée et ne doutait pas qu’il ne dût un jour se réaliser. Mais, au cours des soixante-dix dernières années, cette idée a été presque entièrement laissée de côté, tandis que les travailleurs manuels conquéraient successivement d’autres avantages : droit de coalition et d’association, protection spéciale et interventions multipliées de l’Etat en leur faveur. C’est grâce aux troubles économiques et sociaux issus de la guerre qu’elle a pris un essor rapide dans tous les pays sous le nom de cogestion ouvrière, de contrôle syndical, ou encore de régime des Conseils. Contrôle ou cogestion aboutissent forcément à une représentation des salariés, soit dans des Conseils exclusivement ouvriers qui prétendent traiter d’égal à égal avec la direction de l’entreprise, soit dans des Conseils paritaires où les ouvriers, siégeant à côté des patrons, délibèrent avec eux sur le pied de l’égalité.

On parle aussi à ce propos de démocratie industrielle : c’est le gouvernement de l’usine avec le consentement des gouvernés. De même que la révolution politique de 1789 a soumis le pouvoir absolu du souverain au contrôle de la nation, de même, disent les dirigeants ouvriers, nous voulons aujourd’hui une révolution économique et sociale qui substituera au pouvoir absolu du patron industriel un régime dans lequel les travailleurs seront représentés à côté du capital et auront des droits équivalents. Comment refuserait-on à l’ouvrier tout contrôle sur la production dont il est le facteur essentiel ?