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ne doutent pas que celle-là ne doive réussir, puisque cette fois ils posséderont les secrets du patronat.

Leur erreur est de ne pas voir que, malgré la possession de ces secrets, la production dirigée par un Conseil, même s’il n’est pas un soviet de bolchévistes, tombera peu à peu à un rendement dérisoire. Non pas qu’il ne puisse se rencontrer parmi les ouvriers quelques hommes capables de faire de bons directeurs d’entreprise. Mais pour pouvoir employer leurs capacités, il faudrait qu’ils agissent en qualité de directeurs responsables et intéressés directement à la production et non comme mandataires de la collectivité. Nous touchons ici l’erreur fondamentale du collectivisme. Il faudrait aussi qu’ils fussent soustraits à la dépendance du Parlement formé par leurs camarades. Mais alors ils ne seraient plus des ouvriers, membres d’un conseil de contrôle, mais des patrons ou des représentants directs du patron.

Une des objections principales que l’on fait à l’introduction des Conseils dans l’industrie est qu’elle « ne peut engendrer qu’une sorte de parlementarisme, aussi funeste, aussi incapable que l’autre de régler rapidement les questions urgentes. Dans le domaine économique, ces plaisanteries-là sont trop coûteuses. Là où est la responsabilité, là doit être le pouvoir. » Ainsi s’exprime M. Isaac, parlant à la Fédération des industriels et commerçants français. C’est une offense à la raison que de partager la direction. Le chef doit être seul à décider et à commander. Il va sans dire qu’auparavant il aura rassemblé tous les renseignements qui lui sont nécessaires : un bon service d’information est un organe indispensable au commandement. Son état-major, ses directeurs, ses techniciens, parmi lesquels de simples ouvriers pourront être entendus utilement, lui auront donc préparé les éléments de la décision. Mais celle-ci ne peut appartenir qu’à lui seul. Par conséquent, l’existence d’un Conseil ne se conçoit pas au sommet de la hiérarchie ; il ne peut avoir que voix consultative.

C’est ce que stipule nettement la Société française pour la protection légale des travailleurs, dans le vœu qu’elle a émis le 1er juillet 1919 au sujet de la part du travail dans la gestion des entreprises. Il est désirable, dit-elle, que dans toute entreprise industrielle occupant au moins cent ouvriers ou employés, un comité mixte soit institué, dans l’intérêt de l’entreprise comme dans celui du personnel. Un tel comité est particulièrement nécessaire dans les entreprises dirigées par une société anonyme