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implique des conversations. M. Eugène Schneider l’a dit en des termes excellents.


La liaison nécessaire entre la foule ouvrière et les patrons ne peut être assurée qu’en instruisant parallèlement les deux classes. Les futurs chefs d’industrie doivent apprendre à connaître leurs subordonnés, et les ouvriers doivent être capables de juger leurs patrons autrement que par ouï-dire. Les deux catégories doivent apprendre à se connaître mutuellement et à avoir une confiance réciproque. Mais combien de nos compatriotes ont appris le maniement de l’âme humaine et la psychologie des foules ! Nos chefs militaires doivent une partie de leur succès à ce que la psychologie des soldats dans les armées modernes avait été enseignée dans les écoles militaires. Un écrivain militaire tel que le colonel Ardant du Picq devrait servir d’exemple à nos futurs capitaines et généraux d’industrie.


Cette pénétration mutuelle ne sera pas l’œuvre d’un jour. Les ouvriers ont tout à apprendre en matière d’économie politique et sociale. Dans le rapport si remarquable sur l’organisation des relations entre patrons et ouvriers, qu’il a présenté au Comité permanent d’études relatives à la prévision des chômages industriels, M. Auguste Keufer, qui connaît parfaitement le monde ouvrier puisqu’il a été pendant trente-cinq ans secrétaire général de la Fédération du livre, n’hésite pas à formuler sur leur compétence les réserves les plus formelles. « Si favorable que l’on soit, écrit-il, à la participation des travailleurs au contrôle et à la direction du travail et à son organisation, il faut bien reconnaître qu’ils ne sont préparés ni par leurs connaissances générales et professionnelles, ni par leur expérience industrielle et commerciale à remplir le rôle que veulent leur assigner dès maintenant les dirigeants du monde ouvrier. »

L’intelligence ne suffit pas ; le caractère, le jugement, les capacités techniques réelles sont des qualités essentielles pour exercer un contrôle utile, pour diriger une entreprise et assurer sa prospérité. Il y faut des connaissances positives solides et non des aptitudes verbales. Et M. Auguste Keufer, en quelques lignes pleines de sens, montre les conséquences déplorables qu’apporterait dans l’industrie le système démocratique, qui donne de si mauvais résultats dans le régime politique [1].

  1. « Si fervents que soient les citoyens français envers le régime démocratique politique qui pénètre jusque dans les pays orientaux de vieille et traditionnelle civilisation, leur conviction ne les empêche pas de se rendre compte des imperfections et des lacunes de ce système qui est loin d’attribuer toujours la majorité des suffrages aux hommes les plus compétents ou les plus qualifiés pour diriger la politique des pays démocratiques. Les rivalités, les intrigues, les surenchères jouent un rôle funeste dans les luttes politiques. »