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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/915

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roman du nouveau riche. La suite de l’histoire est le récit des aventures qui attendent M. Prohack dans sa nouvelle fortune. M. Prohack, qui avait tant de peine à gagner une modeste aisance en travaillant, apprend d’abord que rien n’est plus aisé que de gagner sans rien faire des sommes fantastiques, à la condition d’avoir de l’argent ; il prête cinq millions à un ami qui les met dans une affaire de pétroles, et qui les lui rend, le coup fait, au bout de quinze jours, augmentés de sept ou huit autres. Le voilà à la tête de plus d’un million de revenu, sans s’être donné la peine de remuer le petit doigt. Mais M. Prohack n’est pas au bout de ses surprises. Il lui reste à s’accoutumer aux conséquences de la fortune. Il va de soi qu’un ploutocrate ne peut plus continuer d’aller au ministère pour servir comme un pauvre diable. M. Prohack obtient un congé de six mois. Alors, il éprouve ce qui arrive à beaucoup de gens qui détellent ; le jour où il commence à s’occuper de sa santé, il tombe malade tout de bon ; l’automatique, à peine arrêté, se détraque. M. Prohack ne sait pas être riche : il lui manque l’habitude. C’est ce que lui explique une espèce de docteur portugais, un charlatan pour gens du monde, confit en sourires et en boniments, que Mrs Prohack a fait venir pour soigner son mari, au lieu de leur ours de médecin anglais, celui qu’on appelait quand on n’avait pas le temps d’être malade. Le docteur exotique fait comprendre à son client qu’il s’y prend tout de travers et qu’il ne sait pas le premier mot de son nouvel état ; il croit que d’être riche consiste à se reposer. Grave erreur ! Rien de plus occupé qu’un oisif. Ce n’est pas une petite affaire, que de ne rien faire ; c’est un travail très sérieux. Il faut se donner beaucoup de peine et des fatigues infinies pour mériter le nom d’un véritable désœuvré ; on ne gagne pas le titre glorieux de parfait inutile, sans un exercice incessant et sans un labeur excessif. Il y a tout un programme et un régime ardu pour le fainéant professionnel : la toilette seule ouvre un champ d’opérations extrêmement absorbantes ; et il y a la promenade, les visites, la danse, car il faudra que M. Prohack apprenne à danser comme tout le monde ; il y a le hammam, les dîners, le théâtre, les villes d’eaux, les exigences minutieuses de la vie de plaisir. C’est une grande illusion de croire qu’on arrive sans peine à perdre méthodiquement son temps et son argent. Il faut une imagination continuellement en éveil pour inventer dix fois par jour de nouveaux buts, une discipline