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Il y persista néanmoins jusqu’à sa mort, et il garda des partisans.

Avec non moins d’obstination Longomontanus, professeur de mathématiques à Copenhague et qui, comme collaborateur de Tycho-Brahé, avait montré par ailleurs des qualités de savant, s’obstina jusqu’à sa mort dans une solution fausse qu’il avait donnée ; il en arriva à soutenir à cet effet les paradoxes les plus déconcertants.

Il faut mentionner aussi la solution fameuse que le Père Grégoire de Saint-Vincent publia en 1647 dans un ouvrage rempli d’ailleurs de beaux théorèmes. Descartes en signala l’erreur au Père Mersenne qui écrivit un livre pour la réfuter. Mais cela ne suffit pas et il fallut qu’Huyghens publiât un opuscule avant que l’erreur fût reconnue.

Le mysticisme continuait d’ailleurs à se mêler étrangement à ces questions. On publia à cette époque une « démonstration du divin théorème de la quadrature et des rapports de ce théorème avec la vision d’Ezéchiel et l’apocalypse de saint Jean. » Ces étranges aberrations ne sont après tout pas plus singulières que l’harmonie pythagoricienne des sphères. Puis c’est le géomètre Matulon qui promit 1 000 écus à qui démontrera qu’une solution qu’il donne est fausse. Ils sont gagnés par Nicole, jeune encore et qui les donne aux pauvres de Lyon. Enfin, parmi d’autres manifestations de la folie des quadratures, signalons celle du chevalier de Causans qui, en 1753, donne par la quadrature l’explication du péché originel et dépose 10 000 livres destinées à qui trouvera une erreur dans sa conclusion. Elles sont réclamées par une demoiselle devant le Châtelet, et il faut que le Roi intervienne et décide dans sa sagesse qu’un homme qui avait ainsi perdu l’esprit ne devait pas être responsable de ses folies.

C’est sur ces entrefaites que l’Académie des Sciences, excédée par les nouvelles solutions qu’on lui adressait sans répit, décide qu’elle n’examinera désormais aucune nouvelle solution du problème de la quadrature du cercle. À l’appui de sa délibération, Condorcet rédigea un mémoire qui fut publié et où il concluait que la décision de l’Académie rendrait certains hommes aux occupations de la famille et d’un travail régulier et les empêcherait de s’adonner à leur détriment à des recherches vaines.

Chose curieuse, dans son mémoire, Condorcet ne considère nullement comme théoriquement impossible la solution de la quadrature du cercle. Il se fonde pour l’écarter seulement sur cet argument, — si j’ose dire pragmatique, — que les innombrables solutions jusque-là proposées étaient erronées. C’était là un raisonnement non exempt de faiblesse, avouons-le ; car enfin, de ce qu’une solution dont on