que l’Allemagne ne voulait pas, n’a jamais voulu faire honneur à ses engagements ; ses statistiques étaient une mystification ; elle se moquait des Alliés et de la Commission des réparations. Ses industriels à eux seuls possèdent à leur crédit dans les banques de Londres, Amsterdam et New-York au moins cinq cents millions de livres sterling, soit environ treize milliards de francs-or, et vraisemblablement beaucoup plus. Il faut que les possesseurs de ces richesses se résignent à l’idée qu’ils doivent aider l’Etat, dont ils savent si bien se servir à leur avantage, à acquitter ses dettes.
La lutte qui s’est engagée entre les Étals alliés et la grande industrie allemande, maîtresse du Gouvernement, a passé par les étapes suivantes. Envoi à Essen d’une mission belge, française, italienne d’ingénieurs, chargée de contrôler la vente des charbons, et escortée de troupes ; la fuite du Syndicat des charbons oblige les Alliés à étendre et à compléter leur occupation. Les techniciens allemands paraissent disposés à collaborer avec leurs collègues alliés, mais le Gouvernement de Berlin intervient et leur ordonne de résister obstinément, de faire le vide autour de nos ingénieurs et de leur opposer une fin de non-recevoir générale et absolue. En même temps, on excite, par la voie de la presse, la foule à des manifestations et au boycottage des étrangers ; le mouvement s’étend à toute l’Allemagne, y compris la Rhénanie occupée. Le Gouvernement tente de provoquer la grève générale à propos du procès de Thyssen et des industriels allemands dont il voudrait faire des martyrs ; mais les ouvriers de la Ruhr refusent de s’émouvoir pour quelques milliers de francs d’amende infligés à des patrons qui, en des circonstances qu’ils n’ont pas oubliées, se sont montrés fort durs à leur égard ; il y a des grèves sporadiques, locales ou professionnelles ; la grève générale n’aboutit pas. Les provocations échouent de même devant l’attitude calme mais résolue des autorités et des soldats français et belges. Le Gouvernement en vient aujourd’hui à une tactique de sabotage et de grève perlée en vue de désorganiser toute la vie économique de la région, d’y provoquer la misère et d’en rejeter la responsabilité sur les troupes d’occupation. Mais déjà se révèle la lassitude ; grèves, manifestations, sabotages, sont l’œuvre préméditée des fonctionnaires et des chefs ; nulle part on ne sent le frémissement spontané et profond d’un peuple ; partout commence à s’établir, timidement d’abord, la collaboration avec « l’envahisseur » qui, à l’usage, ne s’est montré ni féroce ni brutal. Le 4 février, le Chancelier lui-même se déplace pour prêcher la résistance dans la Ruhr et, le lendemain, on signale quelques