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qu’elle prononça, combien lui était agréable cette ambassade. »

La pieuse infante se rappelait que son mariage avait été publié, « le jour de la Notre-Dame de mars ; « elle eût aimé que le contrat fût passé « le jour de la Notre-Dame d’août, » et l’on était au 14, et il y avait dans ce contrat plusieurs difficultés impossibles à résoudre en quelques heures !

Le traité du 30 avril 1611, qui établissait entre la France et l’Espagne une ligue de dix ans, et qui portait que Louis XIII épouserait Anne d’Autriche et le prince des Asturies, Elisabeth de France, réglait les articles des contrats. La dot était de cinq cent mille écus pour chaque princesse, ce qui semblera assez peu ; mais l’on n’avait pas caché de part ni d’autre un vif désir de « mettre le moins possible la main à la bourse ; » d’ailleurs la dot n’avait guère d’importance, puisqu’il était entendu qu’elle ne serait payée qu’à celle des deux parties dont la mort aurait défait le mariage avant son accomplissement.

Elle ne le fut jamais, à moins qu’on ne dise qu’elle le fut en peinture ! Parmi les vingt-quatre tableaux de la somptueuse collection des Rubens du Louvre consacrés à la vie de Marie de Médicis, l’un d’eux, moins tumultueux que les autres, d’un coloris très adouci, représente l’échange des princesses sur la rivière d’Hendaye. Au milieu d’une Bidassoa mythologique, où le dieu du fleuve, appuyé sur son urne, lève vers les princes ses bras et sa tête limoneuse et barbue, où gonfle ses joues un triton soufflant dans une conque, une troupe d’enfants (angelots ou amours) laissent tomber sur l’infante et sur Madame Elisabeth de France une pluie d’or !

Le douaire de la future reine de France était de vingt mille écus d’or par an ; la future princesse des Asturies, qui n’avait pas de douaire, recevait, selon l’usage du pays, un « augment de dot » de « cent soixante-six mille six cent soixante-six francs écus d’or sol deux tiers. » Elles devaient recevoir l’une et l’autre des bagues et des joyaux pour une somme de cinquante mille écus d’or ; « un entretènement » était prévu « pour leur état, tel qu’à sœur, fille et femme de si grands et puissants rois appartient. » Quant aux renonciations à l’héritage paternel et maternel, elles étaient, pour les deux princesses, aussi complètes que possible.

Les Espagnols prétendirent qu’il n’y avait que « le gros des articles » qui fût accordé. Mayenne et Puisieux durent discuter