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le détail, conférer avec le secrétaire Arostiqui, avec le duc de Lerme. La principale prétention des Espagnols, que Mayenne et Puisieux combattirent, mais devant laquelle ils finirent par s’incliner pour ne pas retarder la signature, était que Philippe III signerait, comme il en avait l’habitude : Yo el Rey, Moi le Roi. Cette orgueilleuse signature était en effet difficile à admettre dans un acte également signé, au nom du roi de France, par ses commissaires. Autre point en litige : l’infante devait être « remise » à la frontière et « délivrée » lorsqu’elle aurait ses douze ans révolus. Les Espagnols ne voulaient pas qu’il fût spécifié que cette délivrance se ferait aux dépens de l’Espagne, sous prétexte qu’ils en chargeraient un de leurs grands, qui en paierait les frais, mais refuserait de les payer, s’il voyait que le contrat les mettait au compte de l’Etat. On n’obtint pas non plus qu’il y eut plus d’un secrétaire d’Etat à la cérémonie de la passation des contrats. Les contrats furent passés le 20 août : il ne restait qu’à les signer.


V

Cette signature des contrats, qui se fit le 22 août 1612, donna lieu à un déploiement de somptuosité et de magnificences en comparaison desquelles aurait paru bien terne la pompe fastueuse du défilé précédent et de la première audience.

Sur les cinq heures et demie, le duc de Lerme, accompagné de tous les grands d’Espagne et des principaux seigneurs de la Cour, vint à l’hôtel Spinola chercher le duc de Mayenne. Français et Espagnols avaient quitté le deuil pour la solennité de ce jour ; les Espagnols d’ailleurs le reprirent le lendemain. Bien montés, admirablement parés de broderies d’or et d’argent, de pierreries, de plumes de héron, « ils s’étaient efforcés, dit le chroniqueur français, dont la vantardise patriotique divertit et désarme par sa naïveté, non pas de surmonter les Français, ce qui eût été impossible, mais de les imiter en ce qu’ils peuvent. »

Derrière les Espagnols, venaient cent cinquante gentilshommes français, tous éclatants de pierreries, de clinquant et de broderies, tous avec des habits différents de couleur et de façon ; surtout « avec la mine française qui est un avantage qu’ils ont sur les étrangers ; » avec tant de plumes d’aigrettes et de masses de héron, que « cela était capable de les