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une enquête aux pays du levant.

garder le contrôle de moi-même. C’est bien le moins que Byblos et le fleuve Adonis m’incitent à me livrer aux forces de la sympathie et de l’enthousiasme. Ne chicanons pas Renan, quand il dédie à sa sœur perdue une lamentation, et sur la terre syrienne construit la dernière Adonie. Ici, Renan a perdu son aînée, son guide féminin, sa sœur et son inspiratrice, envers qui il avait été un enfant égoïste. Ce que fut cette mort, comment il l’éprouva, quel sens le plus beau il donne à ce qu’il doit subir, cherchez-le dans les couleurs que, peu après, il prêta au culte d’Adonis et de Tammouz.

Ce soir, ce que la mer de Syrie raconte au rivage du Liban, avec cet accent de reproche et d’amour, c’est leur grand secret séculaire de larmes et de volupté. Elle jette éternellement ses vagues sur la grève de Byblos pour la purifier, et quand elle y conduisit la vierge bretonne, c’était pour que le tombeau de cette dévouée demeurât aux lieux des antiques mystères, comme la cendre d’un sacrifice.


IV- — UNE VISITE DANS LE LIBAN

Belle occasion de pénétrer dans l’intérieur de ce Liban que je n’ai fait que longer, au Nord, sur le rivage ! Le consul général de France, M. Georges Picot, m’offre que nous visitions ensemble la partie Sud. Nous irons de Ouadi-Chahrour, le premier village au sortir de Beyrouth, jusqu’à Salhié, sur la frontière de Sidon… Ah ! certes, j’ai accepté. Et voici mes notes de voyage, bien sommaires, telles que je les retrouve sur mes cahiers, jetées sans verbes, à coups de crayon, dans les cahots de l’automobile, ou dans la nuit des fêtes que les villages nous donnaient.

À quoi bon les compléter et chercher à les mettre au point ? Cent écrivains, depuis 1914, m’ont suivi et dépassé. Si je vaux, c’est pour témoigner quels étaient, à la dernière heure avant le drame, les sentiments de cette nation fidèle. Un tel chapitre, dûment daté, prend place dans la longue série des titres du Liban et dans les substructions de l’édifice franco-libanais.


Au sortir de Beyrouth, en automobile, ayant pris le long du rivage la route classique de Sidon, nous tournons bientôt à