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blessés, qui l’adoraient. C’était son viatique. Autour de lui, il prodiguait la gaieté, la confiance, l’espoir, le courage. Il s’intéressait aux autres, à leurs affaires, à leurs soucis, à leurs inquiétudes, à leurs douleurs ; mais il ne voulait pas qu’on s’intéressât à son propre état, et, la crise passée, plus pâle, mais souriant toujours, il donnait le magnifique exemple d’une vaillance surhumaine. Son dernier article analysait des nouvelles qui n’étaient précisément pas bonnes, mais il ne voulait en voir que le bon côté et il concluait en disant : « Il n’y a pas de quoi pousser au pessimisme. » Quand on relit l’admirable série de ses commentaires, qu’aucune des pages écrites sur la guerre n’a dépassée, on est frappé de la force des raisonnements sur lesquels s’appuyait son imperturbable optimisme. Certes, il lui arrive, dans l’enivrement d’une grande nouvelle ou d’un cher souvenir, d’être ardemment lyrique, mais il discutait les communiqués la carte en main, avec la précision d’un officier d’état-major. Il faisait appel à la raison et au cœur, et aussi à « ces raisons du cœur que la raison ne connaît pas. »

Sans la guerre, M. de Mun eut laissé le souvenir d’un grand orateur catholique, dont la gloire aurait rivalisé avec celle de Montalembert. La guerre l’arracha aux partis. Il ne fut jamais plus fervent dans ses croyances, mais, fidèle au pacte de l’union sacrée, il ne livra plus de batailles qu’aux ennemis de son pays. Sa mort fut un deuil national. Parmi tous les témoignages de respectueuse sympathie que reçut Mme de Mun, je n’en sais aucun qui ait mieux que celui d’Edmond Rostand exprimé la douleur commune : « Madame, les âmes de la France se pressent autour de votre cœur. » L’âme de la France reste fidèle au soldat, à l’orateur, à l’écrivain, qui l’a si noblement comprise, exaltée et servie.


LOUIS BARTHOU.