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voiture, et renvoyai le cocher fort embarrassé des moyens qu’il prendrait pour retourner à la maison.

« En arrivant à la Chambre, j’y trouvai simplement le piquet habituel de garde nationale. Aucune autre troupe n’avait été mise à notre disposition pour nous défendre, si nous étions attaqués. Le piquet venait d’avoir toutes les peines du monde à faire évacuer le jardin de la présidence, dont les murs avaient été escaladés par nombre d’individus. Je rencontrai dans la cour du Palais Bourbon M. Sauzet [1],M. de Jouvencel [2], M. Achille Fould [3], M. de L’Espée [4], tous fort préoccupés et auxquels je racontai mon aventure que je fus obligé de répéter bien des fois dans la journée à d’autres personnes qui me le demandèrent.

« L’agitation était telle que nous ne nous réunîmes pas à la Commission du budget et que, à la séance de la Chambre, peu de membres prirent part à la discussion sur la banque de Bordeaux. Vers les trois heures, je rencontrai dans le salon de la Paix, M. Barrot et M. Benoit Fould [5] et causai quelques instants avec eux.

— Nous allons probablement devenir majorité, dit M. Barrot, faisant allusion à l’arrivée d’un cabinet où entreraient M. Dufaure, M. Billault et M. Molé. Nous ne demanderons au nouveau ministère que de laisser faire librement les élections.

— Voulez-vous, lui dis-je, une dissolution immédiate ?

— Non, il faut que les lois de réforme se fassent auparavant ; mais la dissolution devra avoir lieu dans le courant de l’année. Après le vote de la Chambre sur les banquets, nous ne pouvons rester vis-à-vis les uns des autres dans la position où nous nous trouvons.

« M. Benoît Fould ayant alors exprimé le regret que l’amendement de M. Sallandrouze [6] sur les réformes n’eût pas été adopté, amendement dont le vote par la Chambre des députés aurait, suivant lui, calmé les esprits :

  1. M. Sauzet, député du Rhône.
  2. Le baron de Jouvencel, député de la Corrèze.
  3. M. Achille Fould, député des Hautes-Pyrénées.
  4. M. de L’Espée, député de la Meurthe, et l’un des questeurs de la Chambre.
  5. M. Benoît Fould, députe de l’Hérault.
  6. A la séance du 12 février 1848, la Chambre avait rejeté un amendement par lequel M. Sallandrouze de Lamornaix, député de la Creuse, proposait d’ajouter à l’adresse un paragraphe additionnel où, sans rien retrancher du blâme infligé aux banquets, était exprimé le vœu que le Gouvernement prit l’initiative de reformes sages et modérées, notamment de la réforme parlementaire.