Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous vous trompez, lui dis-je, le mal ne provient pas du désir et du refus des réformes, et les réformes ne le guériront pas. Le mal vient de tout ce qui s’est passé depuis deux ans : l’affaire Teste, l’affaire Petit, l’affaire de M. Adam ; enfin l’existence même du ministère sur lequel on fait retomber la responsabilité de toutes ces fâcheuses affaires. Seule, la chute du ministère détendra la corde et améliorera la situation mieux que ne le feront toutes les réformes.

— Vous avez parfaitement raison, me répondit M. Barrot.

« En quittant M. Barrot, je passai dans la salle des Conférences. J’y rencontrai M. de Malleville qui, s’approchant de M. Boulay de la Meurthe [1], lui conseilla de réunir le lendemain sa légion et de la faire marcher contre l’émeute.

— Ma légion déteste le ministère, répondit M. Boulay avec animation.

— Là n’est pas la question, répliqua M. de Malleville ; il faut avant tout maintenir l’ordre.

« M. Boulay partit et j’abordai M. Barada [2] que j’engageai à sortir avec moi. Il hésitait, craignant des troubles sur la place de la Concorde. Je lui fis observer qu’elle était couverte de troupes et que nous pouvions en sûreté retourner chez nous. M. Barada se décida et nous rentrâmes. Il y avait beaucoup de monde dans la rue Royale, mais tout y paraissait assez calme.

« Souffrant de la gorge, je ne sortis pas le soir et demandai à mon père de ne point aller diner chez M. Benoît Fould, dans la crainte qu’il ne lui arrivât ce qui m’était arrivé sur la place de la Concorde. »


JOURNÉE DU MERCREDI 23 FÉVRIER

Le mercredi 23, au matin, M. Hébert reçut un billet de M. Guizot, billet où le président du Conseil l’invitait à se rendre au ministère de l’Intérieur, ajoutant simplement qu’il y serait délibéré sur une importante résolution à prendre. M. Hébert se rendit aussitôt chez M. Duchâtel, où plusieurs de ses collègues se trouvaient déjà réunis. Sur ces entrefaites arriva M. François Delessert [3], qui, prenant à partie président

  1. M. Boulay de la Meurthe, député des Vosges.
  2. M. Barada, député du Gers, demeurait au numéro 11 du Faubourg Saint-Honoré.
  3. M. François Delessert, député du Pas-de-Calais, neveu de M. Gabriel Delessert, préfet de Police. Il habitait rue Montmartre, 187.