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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/695

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sentiment, rupture d’un usage, d’une coutume et d’une simple vertu !

Comme je choisis volontiers, parmi les idées de M. Pierre Hamp, celles qui me paraissent le plus recommandables, je crains de le présenter sous un jour, le meilleur à mon gré, mais qui ne serait pas tout à fait le sien. Il est révolutionnaire. Dans son livre le plus récent, le chapitre que j’ai résumé, où il vante ce « nouvel honneur, » cette chevalerie et cette religion, l’amour du métier, cet excellent chapitre est suivi d’un autre, où il célèbre l’esprit révolutionnaire avec beaucoup d’enthousiasme. « L’esprit révolutionnaire, dit-il, est un des grands sentiments de l’homme, comme l’amour, la piété. Il ne peut périr qu’avec l’humanité… L’esprit de destruction est nécessaire : périsse ce qui doit périr !… » Seulement, ce qui doit périr entraîne dans la mort ce qui pourrait, ce qui devrait survivre, ce qui n’était pas caduc et ce qui sera bien à regretter : les révolutions ne sont pas toujours très fines, méticuleuses, et manquent de discernement. Si révolutionnaire que soit M. Pierre Hamp, et je ne vais pas le chicaner là-dessus, il ne dédaigne pas tout le passé ; il admire de vieilles choses qui sont d’ancien régime. On tirerait de son œuvre tout un manuel du parfait conservateur. Il essaye de réunir ses opinions socialistes et, quelques-unes, réactionnaires. Du reste, je ne lui reproche pas de n’y réussir qu’à peine : il n’a point résolu encore la question sociale, qui est probablement insoluble ; mais il traite avec bonne foi plusieurs questions sociales, et c’est, à mon avis, son mérite.

L’une de ces questions : le machinisme. Les quenouilleuses de Flandre font un joli métier ; elles ne le font point à la machine. Dès que la machine intervient, la poésie s’en va. L’ouvrier ne travaille plus chez lui, mais à l’usine ; et il n’est plus qu’un rouage de la machine, en quelque sorte. La machine donne ce qu’elle doit donner. Il ne s’agit plus d’obtenir un ouvrage plus délicat, plus savant, qui révèle un bel ouvrier. Bref, le machinisme ne va-t-il pas détruire l’âme du travail, c’est l’amour du métier ?

Non ! répond M. Pierre Hamp ; il ne le faut pas ! Ne maudissez pas les machines ; car elles secondent l’effort humain, qui est immense et douloureux. Les machines sont bienfaisantes. John Ruskin les a détestées : il n’a pas vu ce qu’elles doivent être, une puissance capable d’abolir « l’esclavage physique de l’humanité. » Le poète Rabindranath Tagore déteste les chemins de fer, qui enlaidissent de charmants paysages, dans l’Inde ; M. Pierre Hamp réplique : « Une plus terrible dégradation que celle des paysages était celle des porteurs de fardeaux. Un train chargé de huit cent mille kilogrammes de