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nous pourrions ainsi calculer la date de cette construction. M. Arthur Poznansky affirme positivement qu’il faut placer cette époque quatorze mille ans avant nous... Mais il faudrait admettre que les éminents architectes, assurément très versés en astronomie, étaient aussi bien outillés que nous-mêmes pour déterminer le tracé du plan de l’écliptique ; son obliquité est actuellement de 23° 26’ 50"2 ; il s’agit donc d’une différence de 10’18"2 ; et l’oscillation qui résulte des mutations et de la précession des équinoxes revient tous les dix-huit ans deux tiers, à raison de 48 dixièmes de seconde par an. On se refuse à établir une évaluation même approximative sur des mesures qui eussent demandé une telle précision, et il est déjà merveilleux de constater que les ingénieurs de l’époque ont pu établir leur calcul à un sixième de degré près.

Néanmoins, M. Poznansky est très intéressant et il poursuit son idée avec une argumentation impressionnante. La race qui a bâti ces édifices est aujourd’hui disparue et n’a laissé aucun souvenir chez les habitants actuels, et ils l’ignorent comme les Arabes qui campent à Ninive et à Babylone ignorent les Assyriens ; les Incas, qui ont bâti sur les constructions à partir du XIIe siècle de notre ère, étaient dans la même ignorance absolue de leurs devanciers ; Tihuanaco est le magnifique et unique vestige d’une longue civilisation, séparée de nous par de terribles cataclysmes sismiques, qui paraissent avoir suivi le soulèvement des Andes. M. Poznansky nous montre un autre temple, beaucoup plus petit, qui représente un premier stade dans la civilisation. Nous trouvons là comme une grossière ébauche de l’œuvre remarquable que nous venons de visiter ; le plan général est le même, mais les proportions sont moins exactement calculées et l’exécution montre un art embryonnaire : l’enceinte a été plus creusée que bâtie, l’homme sort à peine des cavernes ; les monolithes sont des blocs naturels, réunis par des murs de fondation en pierres de toutes formes et de toutes dimensions, entassées, avec des joints en argile, au lieu que dans le temple de Kalasasaya ce sont des pierres rigoureusement équarries dont les surfaces polies joignent parfaitement. Dans d’autres constructions, cette civilisation mystérieuse montre une architecture encore plus avancée, avec des tours énormes, dont le diamètre est plus petit à la base qu’au sommet, bâties en pierres de taille, dont chacune a nécessité un rayon de courbure