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particulier, et que réunissent intérieurement des tiges de cuivre.

Le lac Titicaca baignait le temple du Soleil, et c’est lui qui a permis le transport de ces blocs énormes ; la carrière d’où elles viennent est à la même altitude, à 80 kilomètres d’ici. Il a fallu un bouleversement formidable pour le vider aux deux tiers, pour le moins. Voyez ces plantes tropicales dégénérées et rabougries, reconnaissables pourtant ; leurs germes n’ont pu être apportés par les vents régnants ; ils viennent de cette terre, autrefois dans un climat torride, qu’un soulèvement formidable a portée à une hauteur où le climat est à peine tempéré. Et comment imaginer que les foules nécessaires à de telles œuvres se sont rassemblées pour des efforts impossibles à cette altitude ? A l’âge tertiaire, semble-t-il, le dernier des grands soulèvements qui ont bouleversé la planète a produit la chaîne des Andes. Puis, au début de la période quaternaire, un nouveau cataclysme y a détruit une humanité qui était arrivée à un degré de civilisation alors inconnu sur le reste de la terre. Cette race semble avoir dominé dans toute l’Altiplaine actuelle, et on retrouve les mêmes constructions le long du Desaguerede, déversoir du Titicaca vers le Sud, et vers le Nord à Cuzco, où la dernière dynastie des Incas a bâti sur les constructions du type Tihuanaco, mais par des procédés entièrement différents.

Nous visitons une demeure de l’homme primitif ; c’est un trou de deux mètres de profondeur, dont le fond a 1 m. 30 de long sur 1 m. 20 de large ; il servait uniquement comme gite nocturne et l’on n’y peut coucher que recroquevillé ; mais les murs sont en pierre de taille parfaitement jointives et l’intérieur est à l’abri de toute humidité.

Une colline artificielle, palais ou citadelle, domine la plaine ; on y accède par un magnifique escalier de pierre ; en recherchant des trésors, on a creusé à son centre une vaste excavation. Tout le terrain a d’ailleurs été bouleversé, et beaucoup de statues, ou plutôt de stèles à tête d’hommes ou d’animaux ont disparu. Quantité de pierres taillées ont servi aux constructions de La Paz, aux stations, ou tout simplement au ballast de la voie ferrée. Des photographies qui datent d’une dizaine d’années nous montrent le mal fait par le vandalisme contemporain, qu’aucune autorité ne maîtrise ici : « Quelques pièces sont dans les musées d’Europe. Au Trocadéro peut-être ? » me dit-on. Mais nous sommes au-dessus de ce soupçon : il n’y a au Trocadéro