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les gens de guerre sortirent une demi-lieue au-devant de lui, toute la jeunesse le reçut avec ballets de danse à leur mode, et la ville s’offrit à défrayer son train pendant deux jours pour le retenir. » Bonnes gens ! ils ne soupçonnaient pas qu’au moment où ils lui faisaient ces offres obligeantes, l’ambassadeur extraordinaire écrivait au secrétaire d’Etat Puisieux (le 24 juin) : « Je vous supplie et conjure de ne m’y laisser que le moins que vous pourrez. »

Le 24 juin à Tolosa, le 26 à Villaréal, même accueil, mêmes offres. Sur toute la route, les danses et les combats de taureaux remplissent de musique et de tumulte les villes, les bourgs et les villages.

Et cependant Mayenne trouve qu’on n’en fait pas assez, déçu de n’avoir « aucune communication de Sa Majesté Catholique. » C’est que la province de Biscaye, étant exempte de toute sorte de charges, n’en veut point recevoir, « et toutes leurs démarches sont de bonne volonté. » « Ils s’en acquittent, écrit Mayenne, le mieux qu’ils peuvent, et avec du soin véritablement, mais fort rudement, étant grossiers et beaucoup différents et éloignés de la civilité française. » Aussi l’ambassadeur, juste et magnanime, consent-il à les excuser ! Moins généreux, les gens de la suite, au contraire, les ont « cent fois maudits de ce qu’ils en faisaient trop ! »

Il n’a pas longtemps à les excuser. Salué dès Montdragon par des députés de Vitoria, par des députés de la province d’Alava et par des gentilshommes au nom du Roi ; par l’alcade et les principaux de la ville ; par des alguaziles de corte, maréchaux des logis de Sa Majesté Catholique ; par un maître d’hôtel du Roi venu tout exprès, entré dans Vitoria aux salves du canon, « visité dans son logis, » où lui sont prodiguées « les offres honnêtes et les courtoisies, » il peut dire « que l’incivilité et rudesse des premiers » Espagnols rencontrés depuis la frontière « a été du tout réparée par la douceur et dextérité des derniers. »

Au milieu de ces roses, une épine cependant ! Le duc de Pastrana, chef de l’ambassade espagnole, chargé de signer le contrat de mariage du prince des Asturies et de Madame Élisabeth de France, depuis plusieurs jours devrait être parti. Or, il n’a pas quitté Madrid. Et Mayenne est ébahi de ce qu’on ne lui écrit aucune chose « du partement. » II s’avance à très petites journées. Devra-t-il s’arrêter tout à fait ? Car ce serait un affront