Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/949

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allemande. Le Reich s’appauvrit, perd ses organes de vie et ses moyens d’action, mais la grande industrie sauve la capacité de production de l’Allemagne et, par là, réserve l’avenir. L’Allemagne ne sera grande que si elle rejette cette défroque inutile d’un Reich chargé du poids de la défaite et des réparations, si elle fait peau neuve. Mais la France, en saisissant le gage de la Ruhr, jugule la savante combinaison. Il faut à tout prix lui résister et, par là, refaire la cohésion nationale allemande ; voilà pourquoi on n’hésite pas à provoquer de douloureux incidents comme celui d’Essen.

Que la classe des grands industriels et commerçants allemands ne solidarise pas son sort avec celui du Gouvernement du Reich, qu’elle s’enrichisse dans la ruine de l’État, le fiasco de l’emprunt en est une nouvelle preuve. Le ministre des Finances demandait 200 millions de marks or pour soutenir le cours du papier-monnaie et alimenter la lutte contre la France ; les Banques avaient garanti cent millions, dont le public a souscrit la moitié seulement. Seule la classe moyenne a apporté ses maigres ressources à l’État en détresse ; les gros détenteurs de devises étrangères se sont abstenus. Ces millions, qui auraient dû aller à la caisse des Réparations, serviront à soutenir le cours du mark : tentative désespérée et vouée à l’échec irrémédiable dans un pays qui imprime en une semaine plus de six cents milliards de marks-papier.

Les chefs du Gouvernement du Reich répètent à l’envi que l’Allemagne ne négociera pas tant que la France et la Belgique occuperont la Ruhr ; mais de tous côtés, la diplomatie allemande s’agite pour provoquer une médiation ou réaliser l’isolement politique de la France. M. Stinnes se rend en Italie où il a des entretiens politiques. Les partis socialistes de plusieurs pays envoient des délégués dans la Ruhr pour étudier les solutions possibles. M. Stanley Baldwin, discutant, pour la sixième fois, la question de la Ruhr à la Chambre des Communes, admet que le moment viendra sans doute où, des deux côtés, on fera appel à l’intervention britannique et déclare que le Gouvernement se tient en contact, non seulement avec la France et la Belgique, mais aussi avec l’Allemagne. Le danger reste l’intervention des tiers ; elle est de moins en moins probable, car l’opinion publique, surtout en Angleterre et aux Etats-Unis, est de plus en plus avec la France et la Belgique. C’est le sentiment qu’exprime le ministre des Postes du Cabinet britannique, sir W. Johnson Hicks, et que constate M. Loucheur, ancien ministre, qui se promenant en Angleterre, a des entretiens politiques avec