L. Arata, président du cercle, me porte un toast si élogieux que j’en renvoie les hommages à mon pays, et j’explique notre situation d’après guerre, l’œuvre des réparations, la politique essentiellement pacifique de la France, et la nécessité pour elle d’exiger cependant l’exécution du traité. — J’avais terminé quand je me suis souvenu d’une brochure de propagande allemande sur la « honte noire, » et j’ai revendiqué hautement ma part de responsabilité dans l’emploi des contingents coloniaux dans la guerre européenne. Les maladroites calomnies de ce factum font peu d’impression en pays latin où le préjugé des races n’obscurcit pas le bon sens, mais elles sont si largement répandues que je me suis cru obligé d’en parler. Il m’a semblé que mon auditoire me suivait parfaitement.
Le dîner du soir nous a ramenés à l’hôtel Plaza où le ministre de France réunissait en notre honneur la plupart des ministres argentins, le bureau des deux Chambres, le nonce apostolique, l’ambassadeur d’Espagne, les représentants des puissances alliées ou amies et un certain nombre de notabilités. La table était dressée autour d’une grande ellipse où se dessinait un vrai parc ; trois grands échassiers y promenaient leur stupeur ennuyée : nous n’avions jamais vu surtout de table d’une telle dimension. — M. Roger Clausse insista sur les liens qui unissaient le peuple argentin au peuple français et rappela qu’à deux reprises la représentation nationale les avait affirmés en choisissant à l’unanimité le 14 juillet comme fête de la République et en votant, à la presque unanimité, l’entrée de l’Argentine dans la guerre.
J’ai revu Mgr Duprat, ambassadeur de la République Argentine pour les fêtes du centenaire à Lima, et j’ai retrouvé M. Roume, ancien gouverneur général de l’Afrique occidentale française, où il jouait, il y a quinze ans, un rôle capital d’organisateur, pendant que j’y étais chef d’Etat-Major.
Je me retirais après ce dîner splendide, quand une porte s’ouvrit devant moi, sur un escalier de quelques marches, et je vis une grande salle de bal où tournoyaient de nombreux couples : c’était une société anglaise qui se divertissait. Quelques gentlemen insistèrent pour me faire traverser leur salle ; ils y mirent tant de bonne grâce que je dus leur obéir, suivi de mes compagnons. L’orchestre joua la Marseillaise, et nous fûmes l’objet d’une manifestation toute spontanée, très chaleureuse,