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Vers neuf heures et demie, on vient ouvrir la cage et on lâche l’oiseau, afin qu’il puisse se rendre au préau. Je suis content, car cette petite promenade apporte une agréable diversion à la monotonie du séjour en cellule. Puis, il y a du soleil, du bon soleil dont les rayons m’arrivent en abondance, m’inondent d’une lumière brillante et me communiquent une suave tiédeur. Et ce grand soleil se joue entre les brindilles et les feuilles des plantes, faisant scintiller comme des paillettes d’argent les gouttes de rosée que la nuit a déposées sur cette verdure. Son disque incandescent piqué dans le ciel bleu où flottent quelques légers nuages blancs, éblouit les yeux qu’il fait pleurer. Une abeille passe dans l’air et en bourdonnant volète de fleur en fleur pour y puiser les sucs nécessaires à la formation de son miel.

Au bout d’une demi-heure, le gardien m’appelle et me prie d’aller à la consultation du médecin. Chemin faisant, je cherche à connaître le motif de cette consultation. Ah ! j’y suis, j’ai perdu de vue mon appel de ce matin et je me rends compte à présent que la poignée sert uniquement à demander du secours en cas d’indisposition. Soit, j’irai chez le médecin, j’arrive devant la porte de son bureau, où comme nous sommes plusieurs, je fais la file et tandis que j’attends mon tour, je vois sortir madame…[1], qui en passant me dit quelque chose tout bas… Voilà une bonne nouvelle dont je me réjouis énormément. Mon tour arrive, j’entre et je suis reçu par un monsieur bien aimable et très doux, portant un uniforme de sous-officier. Je me plains de maux d’estomac et demande à pouvoir aller plus souvent au préau. Il me fait tirer la langue et me prescrit un peu de bicarbonate de soude. Allons ! ça va bien, je ne suis pas encore trop malade.

L’après-midi, je continue à préparer les notes relatives à la plaidoirie de mon avocat et Dieu sait quand je serai jugé.

Le temps était devenu lourd et accablant ; dans la soirée éclata un orage formidable ; des éclairs blancs déchiraient la nue et étaient suivis de bruyants coups de tonnerre, un déluge de pluie se déversait en larges gouttes sur la prison, l’orage redoublait de violence, les décharges électriques produisaient des lignes de feu qui provoquaient une brusque clarté aveuglante,

  1. Probablement Mme Bodart.