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Dimanche, 3 octobre.

Les succès remportés au commencement de la semaine par les Alliés ne paraissent pas avoir abouti au résultat espéré ; en effet, le front allemand n’a pas été percé. Prenons patience et espérons.

Lundi, 4 octobre.

J’entre en communication avec une demoiselle qui est enfermée dans la cellule contiguë. Elle a été arrêtée dans une maison où l’on procédait à une autre arrestation, et ignore ce dont on l’accuse. La pauvre fille n’a que vingt ans et s’est évanouie à diverses reprises sous le poids de l’émotion qui l’accablait. Elle espère être remise en liberté demain. J’en profite pour la prier de bien vouloir se rendre chez moi pour dire à ma femme de quoi je suis accusé. Elle s’est empressée de me promettre de faire cette commission aussitôt qu’elle sera remise en liberté. Vers le soir, cette demoiselle me téléphone pour me crier au revoir et s’en va joyeuse comme l’oiseau qui s’échappe de sa cage dont on a laissé par mégarde la porte ouverte.

Mardi, 5 octobre.

Au matin, le gardien m’annonce que dans le courant de la journée, je devrai changer de cellule. Un peu plus tard, je suis prié d’aller occuper le n° 101, situé au second étage de l’aile ou j’ai été précédemment enfermé. Je ne suis pas fâché du dérangement, car ma nouvelle cellule reçoit la visite des rayons du soleil et en outre le chauffage central donne de la chaleur pendant une partie de la journée.

J’adresse à ma femme une carte postale sur laquelle figure un sonnet que j’ai composé en témoignage de ma profonde reconnaissance pour la valise bourrée de bonnes choses qui m’est parvenue samedi dernier.

À peine suis-je installé que le gardien passe avec le sergent et me prévient que jeudi prochain, à 7 heures du matin, je dois être prêt pour me rendre au tribunal. En recevant cette nouvelle, un léger frisson m’agite, mais au fond, je suis content, puisqu’enfin je vais savoir à quoi m’en tenir.

Philippe Baucq.

(À suivre.)