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Bravo, je finis par croire qu’effectivement je cours quelques chances d’être remis en liberté avant d’être jugé ; en tout cas, ne nous emballons pas !

Mardi, 28 septembre.

Je suis complètement remis ; les nouvelles de la guerre, dont j’ai eu connaissance hier, y sont pour beaucoup, je sens un besoin de recommencer à taquiner la muse et vais essayer d’accorder les cordes détendues de ma lyre, espérant en pouvoir tirer quelques sons plus ou moins harmonieux.

Une carte postale écrite par ma gentille Yvonne me parvient à l’instant, elle augmente mon contentement et m’apprend qu’Yvonne se comporte comme une vraie jeune fille en se mettant résolument à l’étude afin de m’aider par la suite dans ma besogne de bureau.

Les nouvelles de la guerre continuent d’être excellentes ; les Français et les Anglais semblent vouloir donner un bon coup de collier. Vers quatre heures, le canon tonne, je suppose qu’un aéroplane se balade au-dessus de la ville pour apporter des douceurs aux Allemands.

J’adresse une carte postale à ma chère femme.

Mercredi, 29 septembre.

Les nouvelles de la guerre sont excellentes : les Français et les Anglais se sont emparés du nord d’Arras et en Champagne de la première ligne de défense des Allemands ; c’est un très beau début et comme une bataille ne se termine pas en un jour, j’espère voir bientôt un nouveau communiqué renseignant sur la continuation des succès précités.

Jeudi, 30 septembre.

Rien de spécial à signaler sur le front, ni sur les mers.

Vendredi, 1er  octobre.

Lentement, comme la lumière du soleil qui sort de l’orient pour éclairer la terre, approche le jour où je serai jugé.

Je suis prêt à recevoir le choc de la condamnation. J’ai écrit une carte postale à mon père pour lui dire un au revoir ému, car j’ai le pressentiment que j’irai là-bas en terre étrangère rejoindre les nombreux compatriotes qui s’y trouvent déjà.

Je reçois une valise bourrée de linge, de vêtements, de friandises, etc., etc., et suis réellement touché des soins dont m’entoure la digne compagne de ma vie.