Page:Revue des Romans (1839).djvu/143

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qu’on ne s’aperçoit pas de la langueur que le traducteur a quelquefois répandue dans son style. Les entretiens que Cervantes suppose entre Sancho et Don Quichotte sont toujours vifs, fins, naïfs, et respirent toutes les grâces du meilleur comique. La traduction de Filleau de Saint-Martin n’a pas été effacée par celle de Florian, la plus infidèle de toutes celles qui existent en français, et pourtant toujours lue et souvent réimprimée. M. Dubournial ne mérite aucun des deux reproches : il est simple et n’est point trivial ; il est surtout copiste fidèle ; il l’est au point, qu’en plaçant le français à côté de l’espagnol, vous reconnaissez, dans la plupart des phrases, les mêmes constructions, les mêmes tours ; ce qui donne au style du traducteur un peu de gêne et d’affectation. Mais les morceaux de poésie y sont rendus avec négligence ; on s’aperçoit trop aisément qu’il n’a pas l’habitude d’écrire en vers. La traduction de Delaunaye est élégante et fidèle ; mais elle est effacée aujourd’hui ainsi que toutes les autres par celle de M. Louis Viardot.

Il existe plusieurs suites aux volumes primitifs de Don Quichotte, qui ne sont pas de Cervantes : deux ont été traduites en français : la première d’Avellaneda, sous le titre de Nouvelles Aventures de Don Quichotte (trad. par le Sage) : Voy. Avellaneda ; la seconde intitulée : Suite nouvelle et véritable de l’Histoire et des Aventures de l’incomparable Don Quichotte de la Manche, et donnée comme une traduction d’un manuscrit espagnol de Cid-Hamet-Benengely. (Pseudonyme.)

NOUVELLES, précédées de mémoires sur la vie de l’auteur, traduites par Petitot, 4 vol. in-12, 1808. — On remarque dans ces Nouvelles, et selon la variété du sujet que traite Cervantes, tantôt le talent de toucher et d’émouvoir le lecteur par une intrigue attachante, comme dans Léocadie, l’Amant généreux, l’Espagnole anglaise, Constance ; tantôt celui de l’amuser et de le faire rire par la peinture comique des ridicules et des travers des hommes, comme dans Rinconet et Cortadillo, le Licencié Vidriera, le Dialogue des deux chiens de Mahude, etc. Dans la nouvelle intitulée l’Amant généreux, la plupart des événements se passent chez les Turcs : ces événements sont excessivement romanesques, mais ils donnent lieu à des détails curieux sur les mœurs de ces peuples rebelles à toute civilisation. Le Licencié de Vidriera offre une grande variété de peintures de caractères et de mœurs. La nouvelle des Deux chiens, où se trouve une conversation entre un poëte, un mathématicien, un chimiste et un homme à projets, est assurément un des morceaux les plus comiques qu’ait enfantés l’imagination très-gaie de Cervantes.

PERSILÈS ET SIGISMONDE, ou les Pèlerins du Nord (trad. par Bouchon-Dubournial), 6 vol. in-18, 1809, ou 2 vol. in-8, 1822. — Dans la composition de ce roman, Cervantes paraît s’être proposé pour modèle Théagène et Chariclée d’Héliodore. Nous n’essayerons pas d’en donner une analyse complète : tous ceux qui ont