Page:Revue des Romans (1839).djvu/144

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lu le roman savent que c’est une chose presque impossible : les événements y sont tellement multipliés, les personnages s’y succèdent avec tant de rapidité, qu’il faudrait une mémoire prodigieuse pour pouvoir se les rappeler tous. Nous dirons seulement que l’auteur suppose deux amants qui, sous l’habit de pèlerins et sous le nom de frère et de sœur, sont partis des régions les plus septentrionales pour aller accomplir un vœu à Rome ; la tempête les jette dans des îles habitées par des sauvages, où ils sont sur le point d’être dévorés ; ils se sauvent miraculeusement, et avec eux échappent à la mort quelques autres personnages qui deviennent leurs compagnons inséparables. Le hasard leur présente sur leur route des princes, des voyageurs, des aventuriers, qui ne manquent jamais de leur raconter leurs aventures, ce qui dure ainsi jusqu’à la fin du roman. — Dans Don Quichotte, Cervantes a semé quelques épisodes intéressants qui jettent de la variété dans l’ouvrage ; dans Persilès, les épisodes sont tellement multipliés, que les héros sont les personnages qui intéressent le moins ; on les oublie à chaque instant pour ceux que l’auteur amène sans cesse sur la scène. D’ailleurs, ces noms de frère et sœur sous lesquels se cachent à tous les yeux Persilès et Sigismonde, jettent un froid glacial sur leur amour ; il y a en outre dans cet amour une retenue, une réserve qui, poussée à l’excès, finit par impatienter les lecteurs : une passion qui n’a rien de terrestre et qui est toute parfaite ne peut guère intéresser dans un roman, où l’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas. — Il ne faudrait pourtant pas conclure de tout ceci que l’ouvrage est sans mérite. Parmi la foule d’épisodes dont il est rempli, il y en a quelques-uns où l’on reconnaît l’auteur de Don Quichotte, notamment ceux de Martin Banedo et de Rupesta, et l’histoire d’Isabelle de Castrucho, où Regnard a probablement puisé l’idée des Folies amoureuses.

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CHARRIÈRES (Mme de), morte en 1806.


CALISTE, ou Lettres écrites de Lausanne, 2 p. in-8, 1788. — Les lettres de Lausanne se composent de deux parties. Dans la première, une femme de qualité établie à Lausanne, la mère de Cécile, jeune fille fort jolie, vraie, franche et fort sensée, correspond avec une amie qui habite la France, lui raconte les détails de sa vie ordinaire, les travers du petit monde qu’elle voit, ses vues sur le prétendant de sa fille, et les préférences de cette chère enfant qu’elle adore ; le tout dans un détail infini et avec un pinceau facile qui met en lumière chaque visage de cet intérieur. L’amoureux préféré est un jeune lord qui voyage avec un de ses parents pour gouverneur. Il aime Cécile, mais pas en